Les chiffres font froid dans le dos. Depuis cinquante ans, entre 16 600 et 30 400 enfants pourraient avoir été atteints de troubles mentaux et du comportement précoces à la suite d’une exposition in vitro à l’acide valproïque, cette molécule utilisée dans les médicaments antiépileptiques est aujourd’hui interdite aux femmes enceintes et contre-indiquée à celles qui sont en âge de procréer. C’est ce que révèle une étude de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et de l’Assurance maladie une étude de l’Agence nationale de sécurité du médicament publiée le 22 juin et portant sur les cas de 1,7 million d’enfants nés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2014. Parmi eux, près de 9 000 ont été exposés à un traitement antiépileptique pendant la grossesse de leur mère, dont 991 à l’un des médicaments à base d’acide valproïque (la Dépakine par exemple). Pour parvenir à une estimation du nombre d’enfants touchés, les chercheurs ont appliqué le pourcentage de risque déjà établi par de précédentes études (30 à 40 %) au nombre total d’enfants exposés à la molécule, de sa commercialisation en 1967 jusqu’en 2016 (soit 41 600 pour l’estimation basse et 76 100 pour la haute). Il s’agit de la première estimation officielle française du nombre de petites victimes concernées par des troubles mentaux et du comportement. Jusqu’à présent, les autorités sanitaires n’avaient parlé que de celles touchées des malformations congénitales, soit entre 2 150 et 4 100 enfants en cinquante ans, selon une estimation de l’ANSM et de l’Assurance maladie établie l’an passé.
Plus de risques pour les enfants les plus exposés
Dans le détail, les enfants ayant été en contact avec l’acide valproïque dans le ventre de leur mère ont « un risque quatre à cinq fois plus élevé de développer des troubles neuro-développementaux précoces avant l’âge de 6 ans », précise l’étude. Ce risque peut même être « jusqu’à huit à dix fois plus élevé parmi les enfants exposés aux doses les plus fortes », en particulier au cours « du deuxième et/ou du troisième trimestre de la grossesse ». Les pathologies en cause concernent plus spécifiquement « les troubles envahissants du développement (dont les troubles du spectre autistique), [le] retard mental et [les] troubles du développement psychologique (dont les troubles des fonctions cognitives et de leurs acquisitions) ». Le risque de recours à un orthophoniste apparaît quant à lui de l’ordre de deux fois plus élevé (trois fois plus pour les sujets les plus exposés).
Face à l’ampleur des dégâts soulignés par ces deux études, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé, sur France Inter, le 26 juin, les contours du dispositif d’indemnisation destiné aux victimes. « Dans un premier temps, les indemnisations devraient se faire sur fonds publics, a-t-elle indiqué. […] Ce qui compte pour moi, c’est l’urgence. » Ensuite, l’Etat se retournera « vers les personnes en faute », à savoir le groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis, qui commercialise les médicaments concernés.