« C’est une avancée, s’enthousiasme Franck Barbier, responsable santé de l’association Aides, un nouvel outil dans la palette de la prévention du VIH » : les conclusions de la première phase de l’essai Ipergay mené par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS), en partenariat avec l’association Aides, sont tombées le 24 février et pourraient aider à réduire le nombre de personnes contaminées par le VIH. D’après les résultats, il est en effet possible de diminuer le risque d’infection du sida de 86 % chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) grâce à la prophylaxie pré-exposition (Prep) à la demande – un traitement préventif pris avant et après un rapport sexuel avec une personne qui peut être séropositive. « La Prep n’est pas pour tout le monde, précise Franck Barbier. C’est à destination des personnes les plus exposées aux risques. Cela va donc dépendre de leurs pratiques, de la fréquence de leurs rapports sexuels et de la prévalence du VIH dans leur milieu. Dans la communauté homosexuelle, elle est plus importante, c’est pour cela que nous y avons mené une étude. » Dans cette essai, 414 HSH ont été suivis durant treize mois, depuis 2012, et ont été divisés en deux groupes : l’un bénéficiant d’un placebo, et l’autre, d’un médicament antirétroviral, le Truvada. Chaque participant devait prendre deux comprimés entre deux et vingt-quatre heures avant un rapport, suivis d’une troisième pilule immédiatement après, puis d’une quatrième quarante-huit heures plus tard. L’inconvénient est donc de prévoir sa vie sexuelle. « Il y en a certains qui la planifient, affirme Franck Barbier : ils savent qu’ils font l’amour durant le week-end, par exemple. »
La prévention, un ensemble de mesures indispensables
A la fin de cette première phase, 16 participants ont été infectés par le VIH : 14 dans le premier groupe et 2 dans le second. Ces derniers avaient interrompu la Prep plusieurs semaines avant d’attraper le sida. Lors de l’essai, tous se sont vu proposer une sorte de pack santé renforcé : conseils individualisés, distribution de préservatifs et de gel, dépistages répétés du VIH, dépistage et traitement des autres infections sexuellement transmissibles (IST), vaccination contre l’hépatite A et B, mise à disposition du traitement post-exposition. « C’est toute cette offre, comprenant accompagnement et médicament, qui a permis un tel résultat, insiste Franck Barbier. Truvada protège du sida. Le préservatif aussi, et en plus des IST, mais il peut craquer ou glisser. » La multiplication des outils de prévention reste donc la meilleure arme contre la contamination du VIH. « Truvada n’est pas une pilule miracle, poursuit Franck Barbier. Si la personne ne respecte pas le schéma de prise, le résultat s’écroule, comme l’ont prouvé d’autres essais. » Dans l’étude Iprex de 2010, près de 2 500 personnes ont pris tous les jours un traitement (Truvada ou placebo). Certaines n’ont pas suivi le protocole à la lettre. Ainsi, le risque d’infection par le VIH a été réduit de 44 %.
Et maintenant ?
Depuis octobre 2013, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) se penche sur le dossier du Truvada en tant que médicament préventif. L’association Aides attend que l’organisme, à la vue des derniers résultats obtenus, accorde une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) en élargissant les conditions d’accès pour les personnes les plus à risque de contracter le VIH. Actuellement, en France, il est réservé aux personnes déjà contaminées. De nombreuses questions restent néanmoins en suspens comme le taux de remboursement. Une boîte de Truvada de trente comprimés coûte 500,88 euros, son taux de remboursement est de 100 %. « Si le médicament obtient le RTU, il faut que le prix diminue, prévient Franck Barbier. Le taux de remboursement doit également être le même, 100 %, pour éviter que seuls ceux qui en ont les moyens en profitent. Enfin, il vaut mieux investir dans la prévention que dans le curatif, qui, au final, est financièrement, plus cher. » Et « chaque mois qui passe sans ce traitement, ce sont encore de nombreuses personnes contaminées », conclut le responsable : chaque année, en France, près de 6 000 individus découvrent qu’ils sont séropositifs.