Permettre à tous les usagers de santé de ne plus avoir à avancer d’argent chez le médecin dès 2017 : tel est l’objectif de la généralisation du tiers payant (pas d’avance de frais à effectuer pour les parts Sécu et mutuelle), axe majeur de la stratégie nationale de santé et promesse du candidat François Hollande. Ce dispositif ambitieux, véritable réforme, vient tout juste de débuter son processus de mise en œuvre : mardi 18 février, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé l’installation d’un comité d’orientation réunissant Assurance maladie, syndicats de médecins et organismes complémentaires, avec pour mission d’accompagner les décisions techniques et stratégiques nécessaires au déploiement du système sur l’ensemble du territoire. Dès la fin de l’année, le tiers payant chez les médecins libéraux devra être effectif pour tous les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS). Il devrait ainsi contribuer « à un meilleur accès aux soins, en particulier pour les trop nombreux ménages pour lesquels l’avance de frais constitue un frein », explique-t-on au ministère de la Santé.
« Surcharges administratives »
Bien qu’elle soit, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), « techniquement possible » et « justifiée sur le fond » parce que « conforme aux principes d’une assurance maladie universelle », cette réforme demeure néanmoins très complexe. La mise en place du tiers payant dans les pharmacies s’est déroulée sur plusieurs années et, aujourd’hui, sa généralisation dans les cabinets de ville pose problème à la plupart des médecins. Ces derniers, qui seront donc payés par la Sécurité sociale et les complémentaires, craignent les surcharges administratives et redoutent de devoir courir après leurs rémunérations : selon la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), il y a là un « risque sur la trésorerie en raison des délais de paiement et [un] risque de perte financière par non-paiement des actes déjà réalisés dans les cas où les patients n’ont pas ou plus de droits avec les complémentaires ». Pour la CSMF, le gouvernement « laisse les médecins libéraux se débrouiller avec plus de quatre cents régimes complémentaires ayant chacun leurs propres règles de fonctionnement ».
« Un guichet payeur unique identifié »
De son côté, MG France, principal syndicat de médecins généralistes, « s’opposera à tout dispositif de tiers payant qui ne sera pas simple, complet et garanti ». « Les médecins généralistes, très majoritairement en secteur 1, ne disposent ni du temps nécessaire à vérifier les droits, ni du personnel pour pointer les tiers payant, ni des moyens permettant de financer une infrastructure de recouvrement de ces sommes », ajoute le syndicat. Enfin, la Fédération des médecins de France (FMF), « clairement opposée à un tiers payant généralisé et obligatoire », réclame notamment, avant toute discussion, la garantie d’un « guichet payeur unique identifié ».
Révélateurs d’un profond mal-être – près d’un médecin sur deux serait en situation d’épuisement professionnel et le taux de suicide chez les médecins serait trois fois plus élevé que dans les autres professions –, ces arguments soulèvent de nombreuses questions qui ne semblent pas encore tranchées. Cependant, pour Etienne Caniard, président de la Mutualité française, cité par Le Monde (18 février), « les oppositions cachent des motivations moins nobles que les problèmes techniques avancés : le tiers payant est un véritable révélateur des dépassements d’honoraires ». Une fois que le patient n’aura plus à avancer la part Sécu et la part complémentaire, il ne lui restera en principe plus rien à payer… sauf si, en effet, le médecin pratique des dépassements, dont le montant apparaîtra alors clairement.