Les retards déjà constatés en 2008 sont « loin d’être comblés ». Pour la Cour des comptes, malgré la mise en place d’un programme national de développement des soins palliatifs sur la période 2008-2012 (doté d’une enveloppe de 230 millions d’euros), la France a encore de gros efforts à faire pour offrir une fin de vie plus digne aux patients atteints de maladie grave, évolutive ou en phase terminale. L’accès à ces soins « demeure globalement limité et nettement moins répandu que dans certains pays étrangers », déplorent les Sages de la rue Cambon. Selon une étude sur la qualité de la mort, reprise par la cour et réalisée en 2010 par un think tank lié au journal The Economist, notre pays ne se situerait en effet qu’à la vingt-troisième place en termes d’offre de soins palliatifs, loin, très loin derrière la Grande-Bretagne (première position), l’Australie (deuxième) ou encore la Nouvelle-Zélande (troisième).
Absence de données globales
Six années après la mise en place du programme national de développement, la Cour des comptes regrette notamment l’absence de données globales récentes, complètes et fiables sur le nombre de personnes ayant eu recours aux soins palliatifs sur une année donnée. Elle relève toutefois un chiffre parlant : aux urgences, en 2010, sur 15 000 patients décédés qui auraient dû être accompagnés, seuls 7,5 % l’ont effectivement été. Autre exemple : à l’hôpital, « seuls un tiers des 238 000 patients décédés en 2009 lors d’une hospitalisation de court séjour et susceptibles de nécessiter des soins palliatifs peuvent être identifiés comme en ayant effectivement bénéficié, soit environ 78 000 patients ». Un chiffre qui passe toutefois à 135 000 personnes prises en charge en 2013.
Un développement centré sur l’hôpital
C’est en effet à l’hôpital, où l’essentiel des soins palliatifs ont été prodigués, que l’évolution de l’offre a été la plus forte. Les dépenses d’assurance maladie concernant ces prises en charge dans les établissements dépassaient, en 2013, 1,6 milliard d’euros, dont 1,2 milliard concentrés sur le court séjour, près de 127 millions consacrés aux équipes mobiles et 300 millions à l’hospitalisation à domicile, indiquent les Sages. L’offre est par conséquent largement déséquilibrée, alors même qu’elle ne répond pas aux souhaits des personnes : selon les sondages cités dans le rapport, quatre Français sur cinq souhaiteraient passer leurs derniers instants chez eux. Concernant les unités spécialisées, si les objectifs fixés par le gouvernement ont été atteints (leur nombre a progressé de 35 % entre 2007 et 2012), la qualité des prestations ne semble pas vraiment suivre : « La présence d’au moins quatre lits identifiés de soins palliatifs dans un service, considérée comme la condition d’une véritable démarche palliative et de l’attribution de moyens humains spécifiques, n’est souvent pas constatée », précise la cour.
Les Ehpad à la traîne
Autre constat : l’offre en soins palliatifs est encore très insuffisante en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), un phénomène essentiellement lié à la faible médicalisation de ces structures. Le rapport estime « très inégal » et « globalement faible » le développement dans les Ehpad d’interventions d’équipes mobiles rattachées aux hôpitaux prévu par le programme 2008-2012.
Enfin, de fortes disparités régionales persistent, avec un taux de lits en unités de soins palliatifs variant de 0 pour 100 000 habitants en Guyane à 5,45 dans le Nord-Pas-de-Calais. « L’accès à des soins palliatifs est ainsi souvent insuffisant dans les territoires les plus ruraux ou isolés », constatent les Sages.