« L’excès de poids concerne près de la moitié de la population en France » : telle est la conclusion inquiétante issue des premiers résultats de la cohorte Constances parus dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé publique France. Cette étude, lancée en 2012 et dirigée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), rassemble les données de santé de plus de 110 000 Français de 18 à 69 ans, tirés au sort. Tous les cinq ans, les volontaires passent un examen de santé dans l’un des vingt-deux centres d’examens de santé (CES) et, chaque année, ils répondent à un questionnaire. « Les données de la cohorte permettent d’analyser l’état de santé de la population et de mieux comprendre ce qui se passe tout au long de la vie. Après plusieurs années de recrutement, nous avons pu analyser les données et fournir de premières estimations, en particulier sur la prévalence du surpoids et de l’obésité », a indiqué Marie Zins, coordinatrice de la cohorte Constances, dans le communiqué de presse de l’Inserm.
Pour cette première analyse, les chercheurs se sont intéressés à 28 895 volontaires âgés de 30 à 69 ans en 2013. Ils ont évalué les situations de surpoids, défini par un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 25, et d’obésité (IMC supérieur à 30). Selon les auteurs, cet indice – obtenu en divisant le poids (en kilogrammes) et la taille au carré (en centimètres) – « conduit souvent à une sous-estimation de la présence de facteurs de risque ». Il a donc été complété par une prise en compte du tour de taille des volontaires. Les scientifiques ont également mesuré leur taux de glycémie, de triglycérides et de cholestérol dans le sang, ainsi que leur pression artérielle.
Une obésité abdominale très fréquente
La prévalence du surpoids varie de 41 % pour les hommes à 25,3 % pour les femmes. Concernant l’obésité globale, les hommes et les femmes sont presque à égalité, avec respectivement 15,8 % et 15,6 %. Surpoids et obésité confondus touchent ainsi 56,8 % d’hommes et 40,9 % de femmes. L’obésité abdominale, définie par un tour de taille supérieur ou égal à 94 cm pour les hommes et à 80 cm pour les femmes, s’avère bien plus fréquente. Elle concerne 41,6 % des hommes et 48,5 % des femmes. Cet embonpoint localisé est un facteur de risque majeur de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2 et de mortalité.
Les chercheurs ont aussi montré que la prévalence des troubles cardio-métaboliques augmente avec l’IMC. Pourtant, ils notent que de nombreuses personnes obèses sont en bonne santé. En effet, « plus de la moitié des femmes obèses […] ne présentent pas les facteurs de risque cardio-métaboliques fréquemment retrouvés chez les personnes obèses », précisent-ils. En revanche, les hommes obèses souffrant de troubles métaboliques comme l’hypertension artérielle sont plus nombreux que ceux en bonne santé.
Des inégalités géographiques et financières
Cette étude confirme également que l’excès de poids est influencé par le niveau socio-économique et le lieu d’habitation. Parmi les seize départements étudiés, les plus touchés sont le Nord, avec 25,6 % de personnes obèses, et la Meurthe-et-Moselle, avec 22,9 %. A l’inverse, Paris est la zone la moins affectée, avec 10,7 %. De même, on dénombre un peu plus de 30 % d’obèses parmi les femmes ayant un revenu mensuel inférieur à 450 euros, alors que le pourcentage chute à 7 % parmi celles qui disposent d’au moins 4 200 euros. Cet écart se retrouve chez les hommes, avec respectivement 23 % et 9 % d’obèses en fonction des ressources financières.
Inédite de par son ampleur et sa méthodologie, cette étude devrait se poursuivre pendant dix ans. Au total, 200 000 volontaires seront suivis.