Suite à un rapport publié en décembre 2015, qui alertait sur l’importance d’un marché parallèle de médicaments contrefaits, les ordres et les académies de médecins, de pharmaciens et de vétérinaires se sont réunis le mardi 4 avril pour signer un manifeste dans lequel ils exigent « une politique de prévention et de répression de ces agissements à l’échelle internationale ». Selon eux, pour lutter contre ce phénomène qui gagne peu à peu tous les pays du monde, il faudrait non plus se contenter de simples coups de filet et d’opérations ponctuelles de saisie, mais mettre en place des mesures d’envergure pour réprimer ce commerce illicite et dangereux pour la santé publique.
Les pays pauvres particulièrement exposés
Les mafias du faux médicament prospèrent dans les pays où la population ne bénéficie d’aucune protection sociale et n’a pas les moyens d’accéder aux traitements indispensables pour soigner le paludisme, la tuberculose et le sida. Selon l’Organisation mondiale pour la santé (OMS), plus d’un médicament sur quatre utilisé dans les pays en développement est faux. Un commerce qualifié de « criminel » par les organisations de santé, car ces médicaments falsifiés entraînent un préjudice grave et sont responsables de nombreux décès : « Dans la majorité des cas (près de 60 %), aucun principe actif n’est retrouvé dans ces produits. Ils peuvent être aussi sous-dosés et à l’origine d’échecs thérapeutiques dramatiques et/ou de survenue de résistances aux traitements antibiotiques, antipaludiques, antirétroviraux. Ces "médicaments" sont également parfois dangereux en raison de la présence de composés autres que ceux mentionnés sur le conditionnement. Ils peuvent aussi engendrer une toxicité directe en lien avec un principe actif ou un excipient nocif (ex. éthylène glycol dans des sirops pour la toux…). »
Attention aux médicaments vendus sur Internet
Les pays plus riches ne sont cependant pas épargnés. En marge des circuits commerciaux classiques, la vente de médicaments comme le Viagra ou les traitements amaigrissants explose sur le Web. Certains sites sont légaux, d’autres prennent l’aspect de sites officiels pour mieux tromper le grand public. D’après les six organisations signataires du manifeste, près de la moitié des médicaments vendus sur Internet en dehors des sites légaux seraient des faux. Ces contrefaçons sont très difficiles à détecter, car leurs conditionnements imitent parfaitement les vrais. La fraude porte aussi sur les médicaments onéreux (anticancéreux, facteurs de croissance, immunodépresseurs…). Elle est facilitée par la libre circulation des marchandises entre les Etats membres de l’Union européenne. Les auteurs du rapport de décembre 2015 soulignent toutefois « l’exception française », « aucun médicament n’[ayant] encore été à ce jour découvert dans le circuit officinal ». Si la France est ainsi épargnée, les experts l’expliquent par « le maintien d’une chaîne pharmaceutique structurée et réglementée, ainsi qu’un niveau de prix relativement peu attractif pour les opérateurs de commerce parallèle ».
Du tourisme pharmaceutique pour se soigner « low cost »
Pour se procurer des médicaments soit trop chers, soit autorisés mais indisponibles ou encore interdits sur le territoire, les Français sont de plus en plus nombreux à se rendre à l’étranger, selon une enquête parue dans Le Parisien. Les traitements contre l’hépatite C (Solvadi), par exemple, sont inabordables (40 000 euros environ la cure). Pour des raisons financières, ils ne sont pris en charge par l’Assurance maladie que pour un nombre restreint de malades. Or, l’Inde, qui produit un grand nombre de génériques, les commercialise près de quarante fois moins cher. Des antidouleurs à base de cannabis amènent également certains Français à franchir les frontières pour soulager leurs maux, à l’image de Françoise, une femme atteinte de sclérose en plaques, citée par Le Parisien dans son édition du 5 avril. Celle-ci a dû se rendre en Suisse pour acheter du Sativex, un spray buccal dont les principaux principes actifs sont le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD), tous deux dérivés du cannabis. Selon elle, il n’y a que ce traitement qui soit véritablement efficace pour atténuer les douleurs liées à sa pathologie. Hélas, ce médicament, qui bénéficie pourtant depuis janvier 2014 d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), n’est toujours pas sur les rayons des pharmacies en France, laboratoire et autorités de santé ne parvenant pas à s’entendre sur son prix.
Hormis le coût financier induit par leurs déplacements, ces « voyageurs pharmaceutiques » doivent savoir qu’ils s’exposent au risque d’acheter des faux, au mieux inefficaces, au pire dangereux pour leur santé.