Dans un rapport publié mercredi 24 juillet, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et la Caisse d’Assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) révèlent qu’entre 2007 et 2014, 14 322 femmes enceintes ont été « exposées » à des médicaments contenant de l’acide valproïque, la substance active de la Dépakine, un antiépileptique accusé de faire courir des risques importants à la santé des fœtus. Ce chiffre représente 1,9 grossesse pour 1 000. Les auteurs de l’enquête précisent que 8 701 enfants sont nés vivants à l’issue de ces grossesses. Ils relèvent aussi « une diminution de 42 % du nombre annuel de grossesses exposées sur cette période, mais soulignent cependant que cette baisse […], bien que significative, montre un niveau de prescription qui reste globalement élevé ». Si le nombre d’enfants atteints par des troubles ne figure pas dans cette étude, on sait toutefois que des malformations congénitales (cœur, reins, colonne vertébrale) peuvent survenir chez 10 % des bébés dont les mères ont pris ce médicament durant leur grossesse et qu’un risque accru d’autisme et de retards de développements moteurs et intellectuels existe pour 30 à 40 % d’entre eux.
Des risques connus depuis longtemps
Bien que la Dépakine, commercialisée par le laboratoire Sanofi depuis 1967, ait été soupçonnée dès les années 80 d’entraîner des malformations et des troubles neurologiques et du développement, elle a continué à être prescrite aux femmes enceintes sans mise en garde particulière. Ce n’est en effet qu’en 2006 qu’elle a été officiellement déconseillée aux femmes attendant un enfant. D’après l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), reçue au ministère de la Santé pour la présentation des résultats de l’étude, plus de 50 000 personnes pourraient souffrir de handicaps suite à une exposition prénatale à la Dépakine. Cette association, qui milite depuis 2011 pour faire reconnaître les dangers de ce médicament pour les enfants à naître, a déjà porté une vingtaine de cas devant la justice, dénonçant « un scandale d’Etat ».
L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) pointait d’ailleurs, dans une enquête parue en février 2016, « le manque de réactivité » de Sanofi et de l’ANSM, ainsi que le manque de connaissance, en 2008, d’un grand nombre de médecins (un sur cinq) et de pharmaciens (un sur trois) sur les effets nocifs de l’acide valproïque in utero.
Mise en place d’un dispositif d’indemnisation
Suite à la publication des résultats de l’étude, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, annonce la mise en place d’un plan d’action comprenant notamment la création d’un dispositif d’indemnisation qui sera voté d’ici la fin de l’année au Parlement. Pour cela, un protocole national de dépistage et de signalement (PNDS) sera mis en place « dans les six mois ». Les soins des patients reconnus par le PNDS seront alors pris en charge « en totalité » par l’Assurance maladie. Pour mieux informer des dangers liés à la prise de médicaments contenant de l’acide valproïque au cours de la grossesse, un pictogramme « plus explicite » sera apposé sur les boîtes de médicaments en contenant. La ministre promet également de créer « un système d’alerte dans les logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation utilisés par les médecins et les pharmaciens ».