La situation est préoccupante : « Neuf maisons de retraite et services à domicile sur dix ne peuvent pas accueillir convenablement les personnes âgées », affirme Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). La raison ? Le manque de moyens et de personnel. Ces derniers sont débordés : « Il y a aujourd’hui 0,55 personnel pour un résidant, s’insurge Marc Reybaud, vice-président de la Fédération nationale des associations et amis de personnes âgées et de leurs familles (Fnapaef). Alors que le Plan solidarité grand âge 2007-2012 préconisait qu’il y ait 0,65 personnel pour un résidant, voire 1 lorsque la perte d’autonomie est forte. » Les infirmiers et les aides-soignants courent. Ils passent d’un patient à un autre – des patients qui ont pourtant besoin d’attention, car l’âge moyen d’entrée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est de 85 ans. « L’accompagnement est donc primordial, insiste Marc Reybaud, sur le plan médical, mais aussi pour les gestes de la vie courante, c’est-à-dire pour les aider à se laver, à marcher ou encore à manger. » Mais selon l’AD-PA, ce n’est pas toujours le cas : dans certains établissements et services à domicile, « les personnes âgées doivent porter des protections d’incontinence alors qu’elles pourraient aller aux toilettes ou doivent manger en moins d’une quinzaine de minutes ». Or, « à cet âge et selon leur état, elles ont besoin d’être stimulées pour se nourrir, précise Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI), car sinon elles peuvent perdre de l’appétit ou être en dénutrition ». Autre constat de l’AD-PA : les personnes âgées « sont insuffisamment accompagnées à la marche et sont contraintes de rester en fauteuil roulant ou alitées plus de seize heures par jour ». Ce mal a un nom : la maltraitance institutionnelle. En clair, les établissements n’ont pas les moyens de répondre aux besoins des personnes âgées. « C’est de la maltraitance sociétale, insiste Romain Gizolme : le système tarde à mettre en place un accompagnement suffisant, car la société à un regard négatif sur les seniors. » Conséquence : les personnes âgées en pâtissent, leur perte d’autonomie est beaucoup plus rapide.
Recruter du personnel, une priorité
« On est dans un système de souffrance, souligne Marc Reybaud, de la Fnapaef. Les patients souffrent, les familles aussi, de les voir comme cela, et même le personnel, qui essaie tant bien que mal de faire son travail. » Car il y a de moins en moins d’effectif. « Lorsqu’un infirmier est malade par exemple, on n’a personne pour le remplacer, donc on appelle, au dernier moment, celui qui était de repos », explique Nathalie Depoire, de la CNI. Un travail également fatigant, stressant. Les infirmiers et les aides-soignants doivent s’occuper de tant de patients en tant de temps. « La priorité est malheureusement donnée à l’acte, plutôt qu’au relationnel », constate-t-elle, avant de poursuivre : « Nous voyons de plus en plus de personnes qui sont au bord de l’épuisement professionnel... » Pour l’AD-PA, la solution est simple : il faut créer 200 000 emplois en établissements, services à domicile et coordinations pour personnes âgées. Le coût ? Sept milliards d’euros, qui pourraient être assurés, selon l’association, grâce aux 2,5 milliards d’euros d’économies faites sur les allocations chômage, aux 4,5 milliards d’euros remboursés par l’Assurance maladie, à l’instauration d’une taxe sur les successions et à l’allègement des cotisations sociales pour les structures associatives et publiques ne bénéficiant pas du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Le temps presse. « Les personnes qui sont actuellement en maison de retraite sont nées dans les années 30, début 40, indique Marc Reybaud. Dans moins d’une dizaine d’années, nous allons voir arriver celles qui sont nées après la Seconde Guerre mondiale, et là, il va y avoir du monde... »