Des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’université de Tours, en collaboration avec une équipe de l’université de Montréal au Canada, ont découvert, pour la première fois chez l’humain, de nouvelles anomalies dans le cerveau des personnes qui ont subi des maltraitances pendant l’enfance. Celles-ci auraient pour effet d’en modifier le développement et auraient un impact sur la santé psychologique.
Les victimes de maltraitance infantile présenteraient des caractéristiques cérébrales particulières :
La maltraitance pourrait modifier durablement le développement de certaines régions du #cerveau avec des effets potentiels sur la #santé psychologique⬇️https://t.co/8dVKo94l40 pic.twitter.com/6BTebijd05
— Inserm (@Inserm) January 20, 2022
Des modifications autour des neurones
Les équipes de recherche ont ainsi étudié des échantillons post-mortem issus de dons de cerveaux (sur accord des familles). Les 28 donneurs étaient des adultes qui s’étaient suicidés lors d’un épisode dépressif majeur. Un peu moins de la moitié avait « une histoire lourde de maltraitance infantile ». Les cerveaux de ces derniers présentaient une augmentation du nombre et une maturation plus importante des filets perineuronaux, des « structures protéiques denses » entourant les neurones. « Les filets périneuronaux apparaissent au cours de la petite enfance et se développent jusqu’à la fin de l’adolescence, augmentant en taille et en nombre, explique l’Inserm. Chez l’animal, leur développement est une étape importante de la maturation cérébrale. Leur apparition marque en effet la fermeture de « périodes critiques » de plasticité pendant lesquelles le développement de la circuiterie neuronale peut être facilement modifié par les expériences. » L’enfance et l’adolescence constituent des périodes clés où se façonnent non seulement les fonctions cognitives mais aussi les traits de personnalité, les modèles d’attachement et les réponses émotionnelles. Les expériences positives ou au contraire traumatiques sont donc d’une grande influence.
Le possible impact du stress précoce
Les scientifiques le savent, les actes de violence — physique, psychologique mais aussi la négligence — commis envers les enfants et les adolescents ont des effets sur leur développement psychologique et augmentent le risque de souffrir d’une dépression voire de commettre une tentative de suicide. La maltraitance était aussi suspectée d’entraîner des modifications structurelles et fonctionnelles durables sur le cerveau, ce que confirment les premiers résultats de cette étude. « Ces observations renforcent l’hypothèse d’une corrélation entre stress précoce et développement accru des filets périneuronaux, précise Arnaud Tanti, chercheur de l’Inserm et premier auteur des travaux. Reste à découvrir s’il existe un lien causal, c’est-à-dire si ces changements contribuent au développement de comportements associés à la maltraitance et de quelle façon. On pourrait peut-être à plus long terme envisager de manipuler les filets périneuronaux pour permettre de restaurer une certaine plasticité et réduire l’impact du traumatisme et le risque psychiatrique par la suite. »
Prévenir les violences
En attendant que cela soit possible, l’objectif reste de réduire au maximum les cas de maltraitance. Les pouvoirs publics ont donc mis l’accent sur la prévention en réalisant notamment une campagne de sensibilisation au syndrome du bébé secoué. En France, un bébé sur dix victime de secouements décède. Et s’il survit, les secouements sont à l’origine de graves séquelles neurologiques qui se manifestent par les déficiences intellectuelles, visuelles et motrices mais aussi par des troubles du comportement, de la parole ou de l’attention. Comme le fait de garder un nouveau-né n’est pas toujours aisé, le ministère de la Santé recommande aux parents et aux proches, lorsqu’ils connaissent des difficultés ou lorsqu’ils se sentent en situation de vulnérabilité de s’éloigner. Il préconise de coucher le bébé dans son lit en sécurité sur le dos et de quitter la pièce pour souffler. L’adulte est ensuite encouragé à demander de l’aide à son entourage ou à un professionnel de santé. Il peut aussi entrer en contact avec des professionnels de la petite enfance, en appelant le numéro d’urgence « Allo enfance en danger » (le 119, disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7) ou la ligne d’écoute « Allo parents bébé » (le 0 800 00 34 56, du lundi au vendredi de 10 à 13 heures et de 14 à 18 heures).
#StopBébéSecoué | Chaque jour en France, 1 bébé est victime du syndrome du bébé secoué. Dans 1 cas sur 10 il va mourir. S'il survit, il gardera des séquelles graves. Nos conseils pour prévenir et agir face cette maltraitance ➡️ https://t.co/E7JCvNgTXh pic.twitter.com/xEyT5Z5udU
— Ministère des Solidarités et de la Santé 🇫🇷🇪🇺 (@Sante_Gouv) January 17, 2022