Plus d’un jeune sur trois serait en état de souffrance psychologique dans notre pays. C’est ce que révèle la seconde grande étude nationale menée au printemps par Unicef France auprès de 11 232 enfants âgés de 6 à 18 ans. Baptisée « Ecoutons ce que les enfants ont à nous dire », cette enquête s’intéresse au ressenti des jeunes vis-à-vis de leurs droits, de leur vie quotidienne, de leur éducation, de leurs loisirs ou de leur santé. Et les conclusions sont plutôt inquiétantes : si la majorité se sent plutôt bien dans sa vie, une part importante se trouve en situation de fragilité. Ainsi, « quatre enfants et adolescents sur dix éprouvent un sentiment de tristesse ou de "cafard" », « un quart traverse des phases d’apathie » et « trois sur dix perdent confiance en eux ». Plus grave encore : 28 % des 12-18 ans interrogés disent avoir déjà pensé au suicide et 11 % prétendent être déjà passés à l’acte. Parmi les facteurs précipitants évoqués par l’étude, le cyber-harcèlement serait déterminant, puisqu’il multiplie les risques de passage à l’acte par plus de trois.
Facteurs socioéconomiques
L’étude démontre que les facteurs socioéconomique et démographique expliquent en grande partie la genèse de ces sentiments de malaise : « Ceux qui connaissent la privation sont plus exposés à la souffrance », notent les auteurs. C’est aussi le cas des enfants et des adolescents qui habitent « dans un quartier insécurisant » et de ceux qui vivent « en famille monoparentale ou en famille recomposée ». Les filles sont en outre « nettement plus touchées que les garçons » et la « souffrance augmente toujours selon l’âge, pour atteindre son maximum dans la tranche des 15 ans et plus ». Ces souffrances, souvent cumulatives, renforcent par ailleurs les difficultés d’intégration sociale des jeunes concernés. L’étude souligne de plus que les populations fragilisées sont aussi celles où l’on retrouve le plus de tensions familiales, ainsi qu’une atmosphère générale qui pèse sur le bien-être des enfants et des adolescents.
Une prévention « pas encore généralisée »
Autre constat alarmant : l’exposition des adolescents aux conduites addictives. Plus de 41 % des plus de 15 ans disent consommer de l’alcool et près de 32 % de la drogue ou du cannabis. Force est de constater que la prévention de ces conduites « n’est pas encore généralisée, estiment les auteurs. [Parmi les jeunes interrogés,] 66 % disent avoir été sensibilisés aux dangers de la drogue et 72 % aux dangers de la cigarette ».
Enfin, si l’équilibre alimentaire semble être désormais une réalité chez huit enfants sur dix, l’hygiène reste préoccupante : seuls 60 % jugent que les toilettes de leur école sont propres. L’accès aux soins apparaît relativement bien assuré, puisque 93 % prétendent aller chez le médecin quand ils sont malades. Cependant, ils ne sont « que 73 % à affirmer qu’il y a une infirmière dans leur école » et « 45 % à connaître des services de soins psychologiques pour enfants et adolescents ».
Face à tous ces constats, Unicef France estime qu’une « interrogation sur les mesures préventives aussi bien dans la sphère familiale, dans l’environnement quotidien du jeune et dans la sphère scolaire » serait nécessaire. L’organisation recommande notamment de « pousser la réflexion vers une multiplication des lieux d’écoute et une mise en place de formes d’accompagnement social plus denses et diversifiées ».