« Notre étude remet en question l’opinion commune selon laquelle les maladies cardiaques sont entièrement sous contrôle. […] Malgré les progrès […], le fardeau mondial imposé par l’insuffisance cardiaque augmente considérablement », explique le docteur Nicola Bragazzi, de l’Université York de Toronto, au Canada. Cette pathologie grave, qui se traduit par une incapacité du cœur à pomper suffisamment de sang pour répondre aux besoins en oxygène de l’organisme, se manifeste notamment par un essoufflement à l’effort et une très grande fatigue.
Les travaux du docteur Bragazzi, publiés le 12 février dans le European Journal of Preventive Cardiology, une revue de la Société européenne de cardiologie (ESC), montrent que le nombre de personnes touchées par cette pathologie est passé de 33,5 à 64,3 millions dans le monde entre 1990 et 2017. Pour parvenir à ces résultats, son équipe s’est basée sur les données de 195 pays et territoires issues du Global Burden of Disease Study (un programme mondial qui évalue la mortalité et l’invalidité dues aux principales maladies, blessures et facteurs de risque).
Des différences régionales majeures
Pour comparer les résultats en fonction des régions géographiques, les chercheurs ont utilisé l’indice sociodémographique (IDS) et ont classé les 195 pays et territoires en fonction de leur état de développement. Ainsi, sur la période, ils ont constaté que le taux de prévalence standardisé de l’insuffisance cardiaque selon l’âge avait diminué en moyenne de 20,3 % dans les pays à IDS élevé et augmenté dans les pays à IDS faible ou intermédiaire.
« Près de la moitié de l’augmentation mondiale du nombre [de cas] s’est produite en Chine [+ 29,9 %] et en Inde [+ 16,6 % »], précise l’étude. Selon les auteurs, la prévalence croissante de la maladie dans ces pays est liée à « une poussée des facteurs de risque tels que l’hypertension, le diabète sucré, l’obésité » et à une faible observation des comportements sains (alimentation équilibrée et exercice physique régulier).
Impact de la pollution et du tabagisme
En outre, « une interaction de facteurs tels que la croissance démographique, la mauvaise hygiène de vie et la pollution de l’air sont [également] des explications probables », précise Nicola Bragazzi. À cela s’ajoute, évidemment, le tabagisme. La maladie pulmonaire obstructive chronique, liée au tabac et à la pollution, est une cause d’insuffisance cardiaque majeure en Asie du Sud et en Asie de l’Est.
« En 2011, le taux de tabagisme chez les hommes était de 52,9 % et 67 % en Chine continentale et en Indonésie, respectivement, ce qui est beaucoup plus élevé que dans d’autres pays, note l’étude. De plus, la pollution atmosphérique est une variable très critique en Chine et en Inde, [responsable de l’] augmentation de l’incidence des maladies cardiovasculaires et des maladies respiratoires. »
Autre explication selon les scientifiques : l’absence ou le coût trop élevé des quatre médicaments cardiovasculaires de base (aspirine, bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et statines) dans ces régions du monde. Ainsi, « des stratégies plus ciblées visant à modifier plusieurs facteurs de risque et à améliorer la disponibilité et l’accessibilité des soins médicaux pour l’insuffisance cardiaque sont nécessaires de toute urgence pour ces pays », ajoute l’étude. Les chercheurs préconisent également la mise en œuvre de campagnes de prévention éducatives pour « sensibiliser davantage [la population] à l’importance d’adopter des modes de vie plus sains. »