Dans un rapport intitulé « Isolement et contention dans les établissements de santé mentale », Adeline Hazan, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), dresse le bilan des dérives des hôpitaux psychiatriques français. Cette autorité indépendante a en effet pour mission de s’assurer du respect des droits fondamentaux des personnes hospitalisées parfois sans leur consentement.
Depuis sa création en 2008, le CGLPL a visité 121 établissements de santé mentale, soit plus de 40 % des 284 établissements recensés. Et le constat est loin d’être satisfaisant : le recours à l’isolement et à la contention s’est généralisé. « Alors même que leur efficacité thérapeutique n’est pas formellement prouvée, [ces pratiques] connaissent une recrudescence depuis une vingtaine d’années », précise le rapport. Pour expliquer ce phénomène, le CGLPL pointe la réduction des effectifs ou la présence insuffisante des médecins dans les unités de soins, mais pas seulement…
« En réalité, [ces méthodes] seraient plus à attribuer à des “cultures de service” traduisant des approches ou des points de vue divers des médecins ou des équipes. »
Une atteinte aux droits des patients
L’isolement et la contention physique doivent être décidés pour faire face à une situation de crise qu’aucun autre moyen ne permet de résoudre, et seulement de façon brève. Pourtant, le CGLPL « constate très fréquemment des situations de mise en chambre d’isolement résultant de décisions qui ne sont pas guidées par l’état clinique du patient ». Pire encore, « il arrive que l’isolement soit utilisé à des fins disciplinaires ou de sanction ».
« Ces pratiques systématiques sont incompatibles avec une approche respectueuse des droits, de la nécessaire proportionnalité des mesures de restriction de liberté et de l’individualisation des soins », dénonce le contrôleur. Les conditions de mise en œuvre de la contrainte physique portent atteinte aux droits fondamentaux des patients, dont le droit à la sécurité, le droit à l’intimité, le droit de recevoir des visites ou encore le droit à la dignité.
Justifier la décision médicale
Les témoignages de patients recueillis lors des visites soulignent « l’effet traumatisant et le souvenir négatif » qu’ils conservent, ainsi que « le sentiment d’incompréhension voire de punition » vis-à-vis de ces mesures.
Face à ce constat, le CGLPL recommande que la décision d’un placement en chambre d’isolement ou sous contention ne soit prise qu’en dernier recours, après « un examen médical psychiatrique effectif de la personne », et que les modalités de sa mise en œuvre garantissent « au mieux le respect des droits des patients ». Cette décision médicale doit être motivée, afin de justifier du caractère « adapté, nécessaire et proportionné ». Elle doit également « être documentée dans le dossier du patient » et consignée dans le registre spécifique, obligatoire depuis janvier 2016. Le contrôleur préconise par ailleurs un renforcement de la formation du personnel soignant sur ces sujets. Il propose enfin que les services de psychiatrie développent des activités thérapeutiques et occupationnelles « pour réduire l’ennui et les tensions ».