Afin d’améliorer l’accès aux soins, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, souhaitait que les Français n’aient plus à avancer, lors de leur consultation chez le médecin, les sommes remboursées par l’Assurance maladie et leur complémentaire santé. Le Conseil constitutionnel, saisi par une centaine de parlementaires de l’opposition, ne l’a pas complètement suivie. Reprochant à la loi de ne pas suffisamment encadrer ce dispositif, il a accepté que le tiers payant généralisé soit appliqué pour la part de la Sécurité sociale, mais a retoqué la partie concernant celle des complémentaires santé.
Négocier avec les médecins
Dès l’annonce de la décision prise par les Sages, le syndicat des médecins libéraux MG France a fait part de son « soulagement »*. De leur côté, les complémentaires ont annoncé qu’elles poursuivent leur mobilisation afin de proposer le tiers payant à leurs assurés, qui plébiscitent ce service. Elles misent sur la qualité de leur offre de tiers payant pour remporter l’adhésion des professionnels de santé, notamment en leur garantissant les paiements de façon simple, automatique et avec un engagement sur les délais. « Chacun doit prendre ses responsabilités, les médecins les premiers : ils doivent proposer le tiers payant complémentaire, a déclaré Etienne Caniard, président de la Mutualité française, dans un entretien accordé au Monde.fr. Cela suppose qu’ils aient à leur disposition des outils qui fonctionnent bien — et c’est notre responsabilité de les leur fournir — et qu’ils ne prennent pas le tiers payant en otage, parce que cela se ferait au détriment des patients. »
Par ailleurs, la Grande Conférence de la santé, qui se tiendra le 11 février 2016, sera l’occasion de poursuivre le débat avec les professionnels de santé. « Je fais confiance au directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie pour trouver la voie d’un accord modernisant la place du médecin généraliste pour le libérer des tâches administratives, renforçant la place de la promotion de la santé et garantissant l’accès aux soins des Français sur tout le territoire », affirme Marisol Touraine**. Une revalorisation tarifaire est aussi demandée par les médecins dans le cadre des négociations conventionnelles.
Les travaux en commun se poursuivent
« Le groupe de travail conjoint entre l’Assurance maladie et les organismes complémentaires me remettra prochainement son rapport [sur les solutions techniques de tiers payant], annonce la ministre. Je veux simplement rappeler à l’Assurance maladie et aux organismes complémentaires que la concertation avec les professionnels de santé est un préalable à toute présentation ou publication, formelle ou informelle », précise-t-elle.
De son côté, l’Association des complémentaires santé pour le tiers payant, par la voix de son président, Emmanuel Roux (directeur général de la Mutualité française), réaffirme la volonté des complémentaires santé de « poursuivre les travaux communs qu’elles ont engagés »***. Elles vont « proposer une solution simple et efficace qui répond aux attentes de tous » et rendre prochainement publiques des propositions concrètes « dans le rapport prévu par la loi qu [’elles] finalis[ent] avec l’Assurance maladie obligatoire ».
Des avancées par étapes jusqu’à la fin 2017
Aujourd’hui, 130 000 professionnels de santé proposent déjà à leurs patients le tiers payant « intégral », les dispensant ainsi d’avancer les sommes remboursées par l’Assurance maladie et leur complémentaire. La généralisation du tiers payant se fera progressivement, dans le cadre de la modernisation du système de santé. L’obligation légale pour un professionnel de santé de ville reste pour l’instant limitée à la part remboursée par l’Assurance maladie. Selon le calendrier établi, le 1er juillet 2016, les professionnels de santé pourront proposer le tiers payant à leurs patients couverts à 100 % par la Sécurité sociale (patients traités pour une affection de longue durée [ALD], victimes d’acte de terrorisme, titulaires d’une pension d’invalidité, enfants handicapés hébergés en établissement spécialisé, mineures demandant un contraceptif ou une IVG, patientes en situation de maternité…). Cette mesure, qui concerne 15 millions de personnes en France, sera rendue obligatoire le 31 décembre 2016.
A partir du 1er janvier 2017, l’ensemble des patients pourront se voir proposer le tiers payant (sur la part remboursée par l’Assurance maladie) par leur médecin. Ce dernier aura l’obligation de le faire le 30 novembre 2017. Par ailleurs, les complémentaires santé ont l’obligation d’intégrer le tiers payant dans leurs « contrats solidaires et responsables » à partir du 1er janvier 2017. Voilà pourquoi elles déploieront progressivement leurs solutions, afin que le patient puisse demander à son médecin de bénéficier du tiers payant intégral.