Des souffrances terribles qui ne se voient pas. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), le syndrome fibromyalgique concernerait entre 1,4 et 2,2 % des Français (soit environ deux millions de personnes), dont 80 à 90 % de femmes. Longtemps ignorée par le corps médical, cette affection chronique se caractérise par des douleurs diffuses permanentes dans tout le corps, une très grande fatigue et un sommeil non réparateur. A ces symptômes s’ajoutent aussi très souvent des comorbidités d’intestin irritable, de céphalées de tension, de syndrome des jambes sans repos, d’intolérance au froid ou encore de troubles de la concentration. Un ensemble de manifestations particulièrement handicapantes, qui peuvent plonger les fibromyalgiques dans la solitude et l’isolement, voire dans la dépression. « Les patients sont parfois confrontés à l’incrédulité de leurs proches et de leurs collègues, explique le docteur Renevier, rhumatologue et médecin adjoint au centre de rééducation fonctionnel de l’Aparc à Rosny-sur-Seine (Yvelines). Or il faut bien comprendre que le moindre effort peut vite devenir très compliqué. C’est toute la vie quotidienne qui est affectée. Certains sont amenés à quitter leur travail. »
Diagnostic d’élimination
Ces situations sont d’autant plus difficiles que la plupart des malades, et surtout les plus âgés, ont dû parfois attendre des années avant qu’un diagnostic ne soit posé. « Même si les choses s’améliorent (le syndrome fibromyalgique est reconnu par l’Académie nationale de médecine depuis 2007 et la Haute Autorité de santé a remis un rapport d’orientation avec des recommandations de prise en charge en 2010, NDLR), l’errance médicale a longtemps été la règle, précise le docteur Renevier. Les malades passaient de spécialiste en spécialiste, étaient orientés en psychiatrie. Aujourd’hui encore, le diagnostic reste difficile à établir, parce qu’on ne constate aucune anomalie physique, psychologique, biologique ou radiologique avec ce syndrome. Il faut donc faire un bilan complet pour écarter les pathologies susceptibles de donner les douleurs évoquées. C’est un diagnostic d’élimination. »
Si cette pathologie reste difficile à identifier, c’est aussi parce qu’on ne sait pas vraiment à quoi elle est due. Il existe de nombreuses hypothèses sur son origine, mais aucune n’a pu faire preuve de sa réalité. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il s’agit d’un trouble de l’intégration de la douleur au niveau des centres supra-spinaux cérébraux. En clair, le cerveau n’analyse pas, ne traite pas et ne filtre pas la douleur.
Prise en charge multidisciplinaire
Autre difficulté pour les patients : l’absence de traitement. « D’après les études, il semblerait que le Tramadol, un antalgique de classe 2, soit susceptible d’être le plus à même de soulager modérément les douleurs. Mais ça ne marche que dans un faible pourcentage des cas… » Parfois, les patients se verront prescrire des antidépresseurs (certains ont un effet antalgique central), voire des antiépileptiques, avec peu de chances que leur état s’améliore. En revanche, les fibromyalgiques semblent se sentir mieux lorsque l’on associe des antidouleurs à des méthodes non médicamenteuses. Certains centres de soins de suite et de réadaptation (SSR) commencent à proposer une prise en charge globale qui intègre plusieurs disciplines alternatives. Au programme, selon les structures : balnéothérapie, thérapie cognitivo-comportementale, groupes de parole, relaxation, musicologie, qi gong, taï-chi et réentraînement progressif à l’effort. « L’idée est de leurrer le cerveau pour que le patient oublie momentanément sa douleur. En outre, se détendre (la douleur contracte les muscles, NDLR) et réapprendre à bouger doucement soulage aussi beaucoup. » Certes, ils ne guériront en principe jamais, mais les malades apprennent ainsi à mieux gérer leur douleur et à ne plus en être les esclaves.