Anxiété, idées suicidaires, solitude, abandon, dépression… Tels sont les maux qui ressortent de l’enquête inédite coordonnée par l’Isni, l’Isncca, l’Anemf et l’Isnar, des syndicats d’étudiants en médecine et de jeunes médecins. Des problématiques qui ne sont pas sans rappeler celles que connaissent également les infirmières. Sortis le 13 juin dernier, certains chiffres sont significatifs et font écho à la souffrance de ces étudiants, dont près d’une dizaine se sont suicidés dans les mois qui ont précédé la réalisation de l’étude. Jusqu’à 700 tentatives de suicide ont par ailleurs été recensées… Sur les 21 768 répondants, parmi lesquels 8 725 étudiants en deuxième cycle et 7 631 en troisième cycle, 66, 2 % souffrent d’anxiété et 27,7 % de dépression. Alors que 20 % de la population globale a des idées suicidaires, ce chiffre monte à 23,7 % chez les internes, dont 5,8 % ont tenté de mettre fin à leurs jours dans le mois précédant l’enquête. Une population à haut risque et en souffrance au travail est bien présente derrière les murs blancs du monde hospitalo-universitaire. Les dispositifs d’alerte et de soutien ne semblent pas encore vraiment efficaces.
Les raisons d’une santé mentale déficiente
Les facteurs déclencheurs d’une mauvaise santé mentale chez le médecin en formation sont multiples. Pour les plus jeunes, à savoir les externes, l’anxiété concerne souvent les concours de l’internat, en fin de sixième année. Mais la fatigue, les violences psychologiques et les mauvaises conditions de travail en sont les raisons principales. Les quotas horaires sont la plupart du temps dépassés et vont de quarante-huit et soixante heures hebdomadaires ! Ainsi, 74 % des répondants se disent « souvent » fatigués, voire « très souvent », ce qui amène certains d’entre eux à commettre des erreurs, à craquer tout simplement à force de journées à rallonge. Leslie Grichy, la vice-présidente de l’Intersyndicat national des internes (Isni), explique à Ouest France que « leurs conditions de travail à l’hôpital sont catastrophiques : les internes travaillent en moyenne soixante heures par semaine, souvent douze heures d’affilée cinq jours par semaine. Quand ce n’est pas plus, avec des journées de vingt-quatre heures d’affilée. Et la situation se dégrade d’année en année ». Les repos de sécurité de onze heures après une garde de vingt-quatre heures ne sont pas respectés dans 50 % des cas, révèle par ailleurs l’enquête. Le président de l’Isni, Olivier Le Pennetier, rappelle qu’« un médecin qui ne va pas bien n’est pas en possession de ses moyens. Une étude nord-américaine montre que, quand on est déprimé, on a davantage tendance à faire des erreurs médicales, et quand on fait des erreurs médicales, on est plus déprimé. C’est un cercle vicieux ».
« Soutenir et suivre les étudiants »
Pour les syndicats, l’amélioration de la santé mentale passe par la formation, la prise en charge, la prévention et la surveillance. Selon eux, un plan consacré à la santé mentale est indispensable et doit être mis en place pour faire baisser en premier lieu un chiffre : celui des personnes interrogées n’ayant jamais vu de médecin du travail, soit 54,7 % d’entre elles ! Pour Leslie Grichy, « il faut donner des moyens humains aux services de santé au travail d’intervenir, car c’est là que l’on peut dépister et prévenir. Il faut former les jeunes internes pour qu’ils connaissent les symptômes d’alerte. Et destigmatiser les pathologies psychiatriques ». Certes, tous les établissements ne vivent pas sous les plaintes de leur personnel et beaucoup tentent de respecter au mieux la législation du travail tout en essayant d’anticiper les risques psycho-sociaux. Car « on peut agir sur les facteurs environnementaux, sur le temps de travail passé à l’hôpital, sur les conditions de travail. Nous plaidons pour que les contrôles soient renforcés, ainsi que les sanctions en cas de non-respect du temps de travail », ajoute-t-elle. L’enquête cinglante de ces syndicats d’étudiants est un parfait complément à Omerta à l’hôpital, le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé (Michalon, 2017), du médecin Valérie Auslender.