« Le monde du travail et le cancer sont deux réalités qui ne se comprennent pas toujours », constate la professeure Jacqueline Godet, présidente de La Ligue contre le cancer, en introduction de la troisième édition du rapport de l’Observatoire sociétal des cancers, publiée le 17 avril dernier par l’association. Intitulée « Cancer en entreprise : le tabou persiste », cette étude, conduite auprès de 4 000 personnes, analyse l’impact du cancer sur le parcours professionnel de ceux qui en sont atteints. Sur les 360 000 nouveaux cas de cancer diagnostiqués en France chaque année, les plus de 65 ans représentent environ 60 % des patients, souligne un article du Monde, mais la maladie touche aussi les actifs : un homme sur trois et près d’une femme sur deux doivent ainsi concilier soins médicaux et activité professionnelle. Et parmi les malades qui étaient en emploi effectif au moment du diagnostic, trois sur dix ne le sont plus deux ans après. Il s’agit pour une bonne part (44 %) de personnes toujours en arrêt de travail, mais aussi de personnes ayant perdu leur poste. Pour celles qui étaient au chômage au moment du diagnostic, seules 30 % ont retrouvé un emploi deux ans après. Une maladie qui fragilise la vie professionnelle, puisque 11 % des personnes en activité disent s’être senties pénalisées à cause de leur cancer.
Des mesures d’accompagnement peu utilisées
Si des mesures spécifiques pour aider au maintien dans l’emploi pendant et après la période de soins existent (mi-temps thérapeutique ou statut de travailleur handicapé), elles restent peu connues et sont sous-utilisées. Ainsi, un tiers des salariés ayant été atteints d’un cancer affirment n’avoir bénéficié d’aucune mesure durant leur traitement. Et la même question posée aux employeurs révèle la profondeur du fossé entre eux et leurs salariés : ils sont 79 % à déclarer avoir fait bénéficier leurs salariés malades de mesures spécifiques. Dans les faits, 50 % des salariés ont bénéficié d’un aménagement d’horaires, 38 % d’un aménagement de leurs tâches et 37 % d’une réduction du temps de travail.
Concilier vie active et maladie n’est guère plus facile après la guérison : « Quand les personnes retournent au travail, elles sont guéries. Le problème, ce n’est donc pas le cancer, ce sont les traitements et leurs effets secondaires qui diminuent physiquement les personnes, explique au quotidien La Croix Sylvie Delanian, cancérologue à Paris. Elles ont envie de travailler, mais leur capacité de concentration n’est plus la même. Elles traînent leur fatigue comme un boulet. » La moitié des salariés souffrent en effet de la fatigue physique et des effets du traitement et 26 % d’entre eux évoquent des difficultés à se concentrer et à mémoriser. Anticiper et établir un dialogue entre le salarié et l’employeur permettra à chacun de formaliser ses attentes et de préparer au mieux le retour à l’emploi.