« Qu’elles vivent seules ou en établissement médico-social, les personnes âgées sont des cibles idéales pour les mouvements sectaires à la recherche de sources potentielles de revenus, explique Serge Blisko, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Le grand âge est un moment de la vie où l’on est souvent fragilisé par l’isolement, le deuil, la maladie ou l’angoisse de la mort. Les personnes délaissées par leurs proches s’attachent facilement à ceux qui leur manifestent de l’intérêt, elles sont donc particulièrement vulnérables aux manipulations. » Si le nombre de victimes âgées demeure difficile à évaluer, la menace est bien réelle. Dans un rapport publié en 2013, la Miviludes évoque les risques pesant sur les résidants d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). D’après les témoignages recueillis, elle identifie plusieurs types de danger. Il y a tout d’abord la menace représentée par certains visiteurs extérieurs : « Le cas le plus courant relevé […] est celui des auxiliaires bénévoles qui […] peuvent profiter de l’absence de vigilance de la direction de l’établissement et de la carence de la famille pour instaurer une relation de confiance […] avec la personne et lui soutirer des dons, legs, avantages financiers pour leur propre compte ou pour celui du mouvement auquel ils appartiennent », indique le rapport.
Groupements d’inspiration philosophique ou spirituelle
Le risque peut aussi venir de groupements d’inspiration philosophique ou spirituelle mieux structurés, qui cherchent à pénétrer les Ehpad à des fins de prosélytisme. « Parfois, le risque de dérive est lié aux personnels de l’établissement eux-mêmes, précise Serge Blisko. Dans ces structures, les soignants travaillent dans des conditions humainement et émotionnellement très difficiles. Ils peuvent donc être séduits par des formations de type “développement personnel” ou “gestion du stress” pas très bien identifiées et souvent inspirées par des mouvements sectaires. »
Plusieurs signes permettent de repérer un début d’emprise chez les résidants : un changement brutal d’alimentation, de croyances ou de religion… Une personne âgée qui refuse de recevoir sa famille ou de prendre un traitement médicamenteux jusque-là bien toléré doit immédiatement alerter. « Les familles et les responsables d’établissement ont le devoir rester vigilants et attentifs, insiste le président. Au moindre doute, je les invite à contacter la Miviludes, qui préviendra les autorités compétentes si nécessaire. Elle saura aussi orienter vers les structures d’aide dédiées. »
Protéger nos anciens
Pour protéger nos aînés, la mission a émis des recommandations dont certaines ont été entendues : la loi sur le vieillissement adoptée fin 2015 interdit par exemple les dons et legs réels aux auxiliaires bénévoles et introduit la notion de personne de confiance dans le Code de l’action sociale des familles. Cette mesure permet désormais à la personne âgée de désigner celui ou celle qui défendra ses intérêts dès l’entrée dans l’établissement. La Miviludes souhaite par ailleurs que le rôle du conseil de vie sociale au sein des établissements soit renforcé dans tous les Ehpad avec l’intégration d’associations agréées. Enfin, elle insiste sur l’information des responsables médico-sociaux. Elle propose un module de formation spécifique à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) et lance régulièrement des actions de sensibilisation avec des partenaires comme la Mutualité française (lire aussi l’encadré ci-dessous). « Il faut poursuivre ces travaux, conclut Serge Blisko. N’oublions pas que, d’ici à 2040, la France comptera 7 millions de personnes de plus de 80 ans. Cela ne fera qu’amplifier les risques. »
Renseignements supplémentaires : Derives-sectes.gouv.fr.