Dévoilée lundi 27 avril par Le Monde, une étude du Réseau européen de ventilation artificielle (Reva) estime que le taux de mortalité des patients atteints par le nouveau coronavirus et admis en réanimation atteindrait 30 à 40 %. On est bien loin du chiffre de 10 % annoncé le 17 avril par Jérôme Salomon, directeur général de la santé. Pour parvenir à ces résultats, l’étude du Reva (créé en 2009 lors de la grippe H1N1) a compilé les données de 200 centres de réanimation et constitué un groupe de 1 000 patients qui a pu être suivi pendant 28 jours. « Inédite par son envergure et sa durée (des médecins chinois avaient suivi une centaine de patients), cette étude doit être soumise dans les prochains jours à une grande revue médicale internationale pour une publication attendue en mai », précise Le Monde. Bien plus élevée que celle de la Direction générale de la santé (DGS), l’estimation du Reva semble aussi plus proche de la réalité du terrain. Le taux de 10 % communiqué le 17 avril par Jérôme Salomon était établi à partir du point épidémiologique de Santé publique France diffusé la veille. Il reflète donc uniquement la situation à un instant T, et non pas la mortalité définitive. Lors de son annonce, ce taux de 10 % avait déjà été jugé sous-évalué par de nombreux professionnels de santé engagés quotidiennement dans la lutte contre le virus.
« On n’a jamais vu de tels taux de mortalité »
Ces derniers ne s’attendaient toutefois pas aux chiffres du Reva : « On n’a jamais vu de tels taux de mortalité, indique au Monde le docteur Matthieu Schmidt, médecin réanimateur à la Pitié-Salpêtrière et coordinateur du réseau. Avec le H1N1, même avec les formes les plus graves, on était à 25 % ». Un phénomène qui s’expliquerait par le fait que les formes sévères de Covid-19 ne se manifestent pas seulement par des défaillances pulmonaires : la maladie, qui peut également atteindre les reins, a aussi une grande composante inflammatoire, rappelle le docteur Schmidt.
Ce n’est pas tout : la mortalité liée au nouveau coronavirus ne serait pas seulement sous-estimée dans les services de réanimation. En effet, les bilans quotidiens de la DGS ne prennent pas en compte le nombre de décès à domicile, souligne le syndicat de médecins généralistes MG France. Or, selon le syndicat, le chiffre serait « considérable ». Dans une enquête dont les derniers résultats ont été publiés le 24 avril, MG France estime que 9 000 personnes, suspectées Covid +, seraient mortes chez elles entre le 17 mars et le 12 avril. Pour mener cette étude, le syndicat a interrogé les médecins généralistes. « Nous avons eu beaucoup de réponses, 2 339 exactement, explique Jacques Battistoni, président de MG France, le 26 avril dans les colonnes du Journal du Dimanche. Ces médecins, on leur a demandé combien ils avaient vu de patients et (…) combien, dans leur patientèle, de personnes étaient décédés à domicile du Covid-19 ». Si cette estimation de 9 000 morts supplémentaires se révèle exacte (la plupart des malades décédés à leur domicile n’ont pas pu être testés), la France serait alors « l’un des pays les plus touchés », conclut Jacques Battistoni.