Pourquoi certaines personnes développement des formes sévères de Covid-19 tandis que d’autres demeurent asymptomatiques ? C’est à cette question difficile qu’une équipe franco-américaine, composée de chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’Université de Paris, de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), du Centre d’immunologie et des maladies infectieuses (Cimi) et de l’Université Rockefeller et du Howard Hughes Medical Institute à New York, a essayé de répondre. Selon elle, près de 15 % des formes graves de la maladie s’expliqueraient par des anomalies génétiques ou immunitaires.
De nouveaux travaux publiés dans Science identifient les premières causes génétiques et immunologiques expliquant 15 % des formes graves de #COVID19. Les malades étudiés ont un point commun : un défaut d’activité des interférons de type I.
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— Inserm (@Inserm) September 25, 2020
Des mutations plus à risque
Dans un premier article publié dans la revue Science le 24 septembre, l’équipe a comparé des patients atteints de forme graves à d’autres qui avaient peu ou pas de symptômes. Les chercheurs ont alors observé, dans 3 à 4 % des formes graves, des anomalies génétiques au niveau de 13 gènes qui diminuent la production d’interférons (IFN). Ces derniers sont des molécules antivirales naturellement produites par l’organisme en cas d’infection. Sans elles, les défenses face au coronavirus ne sont pas assez efficaces et le fameux « orage cytokinique » peut se produire : le système s’emballe et l’état du patient se dégrade. « Quel que soit leur âge, les personnes porteuses de ces mutations sont plus à risque de développer une forme potentiellement mortelle de grippe ou de Covid-19 », indique l’Inserm. Pour améliorer la prise en charge, il faudrait donc identifier les patients concernés grâce à un dosage de ces molécules et leur administrer un traitement aux interférons de façon précoce. « Ces médicaments sont disponibles depuis plus de 30 ans et sans effets secondaires notables s’ils sont pris pendant une courte période », précise l’institut.
Un taux élevé d’anticorps
Un second article, toujours publié dans Science, explique que 10 à 11 % des patients atteints de formes graves de Covid-19 présentent des taux élevés d’anticorps dans leur sang, ce qui s’apparente à une forme de maladie auto-immune. Les anticorps ont pour effet de neutraliser l’action antivirale des interférons au lieu de s’attaquer au SARS-CoV2. En revanche, chez les patients qui développent une forme légère de la maladie, ces anticorps ne sont pas présents. « Ces résultats laissent penser qu’il faut donc dépister la population générale afin de détecter ces anticorps », ajoute l’Inserm. « Qu’il s’agisse de variants génétiques qui diminuent la production d’IFN de type I pendant l’infection ou d’anticorps qui les neutralisent, ces déficits précèdent l’infection par le virus et expliquent la maladie grave. Ces deux publications majeures mettent donc en évidence le rôle crucial des IFN de type I dans la réponse immunitaire contre le SARS-CoV2 », concluent Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, les deux chercheurs qui ont dirigé l’équipe.