Après dix années de baisse ininterrompue, la consommation de cannabis est de nouveau en hausse chez les jeunes. C’est ce que révèle la dernière enquête Escapad* de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) publiée en avril 2015. Dans le détail, 47,8 % des adolescents de 17 ans auraient « goûté » à cette drogue « douce » au moins une fois en 2014 (soit près d’un jeune sur deux), contre 41,5 % en 2011. Au-delà de l’expérimentation, c’est surtout la fréquence de la consommation qui inquiète : en 2014, 9,2 % des jeunes de 17 ans affirment en fumer au moins dix fois par mois, contre 6,5 % en 2011. L’OFDT précise en outre que 8 % des adolescents de cette classe d’âge présentent un risque important de dépendance. Ils étaient 5,3 % en 2011.
Or, s’il fait clairement partie de la culture adolescente et que de nombreux jeunes le côtoient de très près, le cannabis n’en demeure pas moins dangereux : son usage multiplierait par trois le risque de développer un cancer du poumon et par 1,8 celui d’être responsable d’un accident mortel de la route.
Altération des capacités d’apprentissage
« On sait aussi que la consommation régulière de cannabis induit des troubles de la mémoire à court terme et une altération des capacités d’apprentissage, précise le docteur Olivier Phan, psychiatre au sein de la consultation jeunes consommateurs (CJC) du centre Pierre-Nicole (Croix-Rouge française) à Paris**. Par exemple, faire un exercice de maths ou de physique alors que l’on est sous l’effet du joint, c’est très compliqué. Ce sont des matières qui sollicitent beaucoup cette mémoire à court terme, celle dont on se sert pour résoudre les problèmes. » Pour le jeune fumeur, le risque est alors de décrocher, de prendre du retard et de compromettre sa scolarité. Or, c’est justement à cet âge que l’avenir se décide. « Aujourd’hui, alors que le chômage fait des ravages, le niveau d’études demeure très important, ajoute le docteur Phan. Avoir une consommation de cannabis régulière, problématique, réduit considérablement les chances d’insertion dans la société. » Sans parler des conséquences psychiques : le tétrahydrocannabinol (THC, principale molécule du cannabis) a aussi la particularité de précipiter les pathologies mentales préexistantes. C’est par exemple le cas pour la schizophrénie : la maladie se déclenche plus tôt et plus intensément chez les sujets prédisposés qui en plus consomment régulièrement du cannabis.
Préserver la qualité du lien parents-enfant
Tout cela a inévitablement des répercussions sur les relations familiales. L’anesthésie affective induite par le cannabis altère le dialogue parents-enfant. Les conflits s’accroissent, alors que l’adolescence complique déjà les choses.
« Avant d’en arriver là, parler du cannabis à la maison de façon anodine, dans une optique de prévention, par exemple en s’appuyant sur un article lu dans la presse, peut être une bonne chose, explique le docteur Phan. C’est l’occasion d’ouvrir le débat et d’installer la confiance. On sait que la bonne entente familiale est source d’épanouissement. » Un adolescent qui va bien risquera moins de tomber dans une consommation problématique, mais il ne sera pas totalement préservé pour autant. Ainsi, des résultats scolaires en chute libre, un comportement soudainement agressif, une dépression ou un isolement sont des signaux d’alerte à ne pas négliger.
« Les familles peuvent par exemple s’adresser à une consultation jeunes consommateurs (CJC ; lire également l’encadré), ajoute le docteur Phan. Cela permet de poser les choses avec des professionnels et de faire calmement le point sur la réalité de la consommation, avant de proposer un suivi, si besoin. Il faut éviter d’apporter une réponse disproportionnée : le jeune ne doit pas avoir l’impression que l’on déclenche le plan Orsec pour quelque chose qui lui semble sans conséquences. » L’idée est d’éviter de sur-dramatiser, sans banaliser, et, surtout, de préserver la bonne qualité du lien parents-enfant.