Un nouvel espoir pour les patients atteints de cancers du poumon à un stade avancé. Fin mai, lors de l’ASCO, le grand rendez-vous américain de la cancérologie mondiale (qui avait lieu en ligne cette année en raison de la pandémie), une équipe de l’Institut Gustave-Roussy a présenté une approche innovante dont les résultats sont plutôt encourageants. Cet essai précoce (dit « de phase I/II ») concerne certains cancers du poumon en échec thérapeutique : ceux dits non à petites cellules (CPNPC, qui représentent 85 à 90 % des cancers pulmonaires) « non épidermoïdes, localement avancés ou métastasiques, surexprimant fortement (l’antigène) CEACAM 5 (sur la surface des cellules tumorales, nldr) », précise l’Institut dans un communiqué. Le principe est simple : il consiste à associer un anticorps spécifique capable d’identifier les cellules cancéreuses et un médicament cytotoxique (en l’occurrence la maytansine utilisée en chimiothérapie) délivré directement dans la cellule tumorale ciblée. « Ces anticorps conjugués (…) présentent a priori un double avantage : pouvoir détruire les cellules cancéreuses grâce à des doses cytotoxiques plus puissantes que ce que permet une chimiothérapie classique, tout en préservant les cellules saines », notent les chercheurs.
Repérer l’antigène CEACAM 5
Déjà mis en œuvre dans les traitements des cancers du sein métastasiques qui surexpriment l’antigène HER2 et validé dans celui des lymphomes hodgkiniens, ce principe est donc également applicable au cancer du poumon. Pour les CPNPC avancés, dans le détail, l’anticorps conjugué repère l’antigène CEACAM5 sur les cellules cancéreuses avant d’y déposer la dose de chimiothérapie suffisante pour tuer ces dernières. En ne ciblant que les cellules malades, le traitement présente l’avantage de limiter considérablement les effets indésirables de la chimio classique qui attaque l’ensemble des cellules (malades ou saines). « Il n’y a pas, par exemple, de perte de cheveux, et très peu de nausées et de vomissements », explique au Figaro.fr le docteur Anas Gazzah, oncologue au département d’innovation thérapeutique et essais précoces (Ditep) de l’Institut Gustave-Roussy. On constate en revanche parfois des atteintes oculaires : des toxicités cependant « classiquement rapportées avec les anticorps conjugués avec des agents anti-tubuline », mais qui sont « réversibles, gérables par une réduction de dose ou un décalage de l’injection » et qui « n’apparaissent pas comme un facteur limitant », ajoute le docteur Gazzah.
Bientôt la phase III de l’essai
Dans l’essai français présenté à l’ASCO, sur 92 patients testés et recrutés en France, en Espagne et en Corée, « nous obtenons, chez 20 % (d’entre eux) une diminution significative de la taille de la tumeur, constate Anas Gazzah, sur Allodocteurs.fr. Mais on a obtenu aussi un taux de contrôle de la maladie d’environ 64 %, ça veut dire une stabilisation de la maladie, ou une diminution de la maladie ce qui est considérable. » A noter que le taux de réponse tumorale (pourcentage de changement de la somme des surfaces tumorales) « se révèle plus élevé parmi les patients qui surexpriment fortement CEACAM 5 », souligne l’institut. Pour que l’essai soit validé, un autre essai, de phase III, incluant plus de patients, devrait avoir lieu dans quelques mois. Son objectif : comparer le bénéfice de l’anticorps-conjugué anti-CEACAM 5 à une chimiothérapie par docétaxel (plus classique) associée à l’immunothérapie.