Pour certains médecins, baisser le taux de remboursement des benzodiazépines hypnotiques de 65 à 15 % comme le préconise la Haute Autorité de santé (HAS) n’est pas une bonne solution. Les déremboursements « creusent les inégalités, explique le docteur Claude Leicher, président du syndicat MG France, dans les colonnes du Quotidien du médecin. Les catégories socioprofessionnelles les plus vulnérables sont les plus touchées par les troubles anxieux, ce n’est pas juste de leur faire payer plus cher leurs médicaments ». Seulement, avec environ quatre millions de personnes concernées, notre pays reste l’un des plus gros consommateurs de somnifères en Europe. En recommandant une baisse du remboursement, la HAS entend inverser la tendance et réduire le mésusage de produits qu’elle estime peu efficaces, voire dangereux. « Les benzodiazépines hypnotiques peuvent provoquer une dépendance, rappelle-t-elle dans un communiqué, et être responsables de nombreux effets délétères », comme des troubles de la mémoire, une somnolence diurne ou des risques accrus de chutes et d’accidents. Par ailleurs, alors que la durée de prescription préconisée pour ces hypnotiques est limitée à quatre semaines, elle s’étend souvent « sur plusieurs mois, voire plusieurs années ».
Une mesure qui tient « plus de l’affichage que d’une quelconque efficacité »
Si la plupart des médecins reconnaissent les dangers de la situation de surconsommation et de mésusage, certains tiennent tout de même à rappeler l’utilité des benzodiazépines. Lorsque les troubles du sommeil sont causés par des troubles anxio-dépressifs, « les somnifères restent totalement nécessaires, y compris dans la durée », explique le docteur Sylvie Royant-Parola, psychiatre et présidente du réseau Morphée, interrogée par le quotidien La Croix. Selon elle, le traitement permet au patient de passer « une nuit relativement apaisée » et d’éviter une dépression plus sévère. Pour le docteur Marie-Hélène Certain, secrétaire générale du Collège de médecine générale, « la mesure de déremboursement tient plus de l’affichage que d’une quelconque efficacité » : elle n’empêchera certainement pas les patients dépendants de poursuivre leur consommation.
Enfin, les médecins rappellent que les alternatives non-médicamenteuses aux somnifères préconisées par la HAS pour les prescriptions de première intention demeurent encore limitées. L’offre de thérapies comportementales et cognitives (TCC) par exemple, ces thérapies grâce auxquelles le patient apprend à modifier son comportement face au sommeil, est trop peu développée en France et les médecins estiment par ailleurs manquer de temps pour mettre en place des consultations longues réellement adaptées aux troubles du sommeil.