Mise à jour du 19 mars 2014 : Une recommandation temporaire d’utilisation est accordée au baclofène.
Médecins spécialistes et patients alcoolodépendants l’attendent depuis des mois. C’est désormais officiel : la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) du baclofène pour le traitement de l’alcoolisme devrait être effective « d’ici la fin mars », indique-t-on à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Délivré en France depuis une quarantaine d’années comme relaxant musculaire, ce médicament pourra donc être prescrit légalement pendant trois ans par les médecins en dehors de son autorisation de mise sur le marché (AMM) initiale. C’est la toute première fois qu’une RTU sera délivrée par l’ANSM depuis la promulgation de la loi du 29 décembre 2011 sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament. La nouveauté du dispositif explique, selon l’agence, les délais particulièrement longs de mise en œuvre.
Avant de donner son feu vert, l’ANSM attend encore, pour la mi-mars, un avis favorable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). La RTU implique en effet un « suivi particulièrement attentif des patients à partir d’une base de données qui contiendra des informations relatives à leur alcoolodépendance. Il y a donc des précautions à prendre », précise l’ANSM. Concrètement, la Cnil doit s’assurer que le protocole de suivi élaboré par cette dernière garantit bien la confidentialité des informations personnelles des patients et le respect de leur vie privée.
Cadre réglementaire rassurant
Pour les malades, dont l’impatience se faisait de plus en plus pressante ces derniers jours, il s’agit d’une grande avancée. Bien que le baclofène soit déjà prescrit officieusement – aux risques et périls des patients et du médecin – à de nombreux buveurs excessifs, la RTU permettra d’introduire un cadre réglementaire rassurant pour tout le monde. Et il était temps : d’après les données de 2012 du Comité technique de pharmacovigilance (CTPV), les ventes de baclofène augmentent considérablement (+ 52 % par rapport à 2011) et la moitié d’entre elles seraient faites hors AMM. Grâce à cette RTU, environ 100 000 patients devraient pouvoir être traités en toute légalité, avec un produit rendu célèbre par le livre Le dernier verre, paru en 2008. C’est dans cet ouvrage que le cardiologue Olivier Ameisen raconte comment il a soigné son alcoolisme grâce au baclofène. Une efficacité confirmée depuis par plusieurs études faisant état de taux d’efficacité de 60 à 70 %.
Effets indésirables
Attention, un tel chiffre ne doit cependant pas masquer les risques d’effets indésirables liés au produit. D’après le CTPV, en 2012, 263 cas ont été recensés, dont 90 jugés graves, avec une part majoritaire d’effets neurologiques et psychiatriques – notamment un fort risque suicidaire. Ces risques sont d’ailleurs confirmés par deux essais cliniques en cours, sur lesquels s’appuie l’ANSM pour élaborer la RTU. Les conditions de prescription seront donc strictes et il faudra attendre la délivrance officielle de la recommandation temporaire pour en connaître tous les détails, en particulier la posologie. On sait déjà que l’indication devrait être limitée aux cas d’échec des traitements disponibles avec AMM. Elle devrait porter, d’une part, sur l’aide au maintien de l’abstinence une fois le sevrage effectué et, d’autre part, sur la réduction de la consommation d’alcool chez les patients non sevrés, mais dont l’alcoolisme représente un haut risque sanitaire immédiat.