Dans un rapport publié jeudi 15 juin, l’Académie nationale de médecine recommande de permettre aux femmes le prélèvement et la conservation de leurs ovocytes afin qu’elles puissent avoir recours dans l’avenir à une aide médicale à la procréation (AMP) au cas où elles rencontreraient des problèmes de fertilité passé l’âge de 35 ans.
A partir de 35 ans, la fertilité chute en effet chez la majorité des femmes, en raison à la fois d’une diminution du stock d’ovocytes (qui est entièrement constitué dès la naissance) et d’une baisse de la qualité de ces derniers, qui vieillissent. La fécondation devient alors plus difficile et les risques d’anomalies chromosomiques (qui peuvent entraîner un avortement spontané) augmentent. Pour anticiper ces difficultés à concevoir, qui s’accroissent au fur et à mesure que le temps passe, l’Académie nationale de médecine émet des recommandations, quelques jours seulement avant que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) rende son avis sur d’importantes questions liées à la procréation et sur lequel s’appuiera le gouvernement pour légiférer.
Maîtriser l’horloge biologique
Dans une société où les grossesses sont de plus en plus tardives (5 % des accouchements concernent des mères d’au moins 40 ans, contre 1 % en 1980), l’instance considère en effet que les Françaises devraient pouvoir préserver leur fertilité. Cela leur éviterait des traitements longs, coûteux et aléatoires si elles rencontraient plus tard des difficultés pour concevoir. Actuellement, de plus en plus de femmes françaises, très au fait des problèmes de fertilité liés à l’âge – et qui en ont les moyens –, se rendent dans des cliniques étrangères pour faire prélever et conserver leurs gamètes en prévision de grossesses futures, en Espagne ou en Belgique, par exemple, où la législation est plus souple.
Prévenir l’infertilité
Théoriquement, la conservation des ovocytes en vue d’une future fécondation in vitro (FIV), qui s’effectue depuis 2011 par vitrification (congélation ultrarapide à – 196 °C dans l’azote liquide), est légalement possible en France. « Cette technique s’adresse surtout aux femmes atteintes de pathologies malignes, dont un traitement gonadotoxique, par chimiothérapie ou radiothérapie risque de dégrader la fonction ovarienne. Elle concerne pareillement les femmes menacées d’insuffisance ovarienne prématurée », indique Jacques Milliez, gynécologue, qui a présidé à la rédaction du rapport.
La fin du « chantage au don »
Depuis 2015, la loi a étendu aux femmes majeures n’ayant jamais procréé la possibilité de participer au don d’ovocytes pour venir en aide à un couple infertile. Elle leur permet, en contrepartie, de conserver pour elles-mêmes, si leur nombre le permet, une partie des ovocytes recueillis. Cette mesure, qui a essentiellement pour but de stimuler les dons de gamètes largement insuffisants par rapport à la demande, « peut être perçue comme un chantage ou comme un leurre », s’insurge l’Académie, car « compte tenu de la large priorité accordée au don, les chances pour ces donneuses de conserver des ovocytes pour elles-mêmes sont quasi-nulles », conclut-elle. De plus, quinze à vingt cellules doivent être prélevées, ce qui reviendrait, pour pouvoir conserver une partie nécessaire et suffisante des ovocytes prélevés, à « subir deux ou trois cycles de stimulation/ponction ovarienne là où un seul cycle suffit normalement », fait remarquer le docteur Milliez. Jugeant cette loi « médicalement et éthiquement inacceptable », l’Académie en recommande l’amendement afin que les donneuses aient des chances de conserver des ovocytes pour elles-mêmes.
Respecter l’autonomie des femmes
« Le principe d’autonomie des femmes devrait être respecté, sans paternalisme médical ni jugement moral, pour pallier les conséquences de l’infertilité liée à l’âge chez les femmes qui, à 35 ans, n’ont toujours pas de partenaire stable, ou qui optent temporairement pour des choix de vie sans maternité immédiate », écrit Jacques Milliez. Selon l’Académie, la demande de conservation devrait être réservée aux femmes majeures, « sous réserve d’une information exhaustive sur les méthodes, leur coût, sur l’âge recommandé du recueil, avant 35 ans, et l’âge d’utilisation ultérieure des ovocytes, avant 45 ans ».