Prendre de l’aspirine en prévention primaire : peu efficace et risqué

, par  Isabelle Coston

Ceux qui croient qu’une petite dose d’aspirine chaque jour permet, en fluidifiant de sang, d’éviter les complications cardiovasculaires – ou, tout au moins, qui pensent que cela ne peut pas faire de mal – se trompent. Cette automédication peut avoir des conséquences graves : les chercheurs pointent un risque, modéré mais réel, d’hémorragie.

Selon une croyance populaire, prendre une faible dose quotidienne d’aspirine permettrait aux personnes de plus de 50 ans de réduire leur risque d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral (AVC). Or deux études, présentées lors du congrès de l’European Society of Cardiology (ESC) qui s’est tenu à Munich, en Allemagne, du 25 au 29 août, semblent prouver que non seulement l’aspirine n’a pas d’intérêt en prévention primaire, mais qu’en plus elle serait un facteur de risque hémorragique au niveau digestif, voire au niveau cérébral.

Deux études aboutissent aux mêmes conclusions

La première, intitulée Arrive (l’acronyme de « Aspirin to reduce risk of initial vascular events »), a été publiée dans le journal médical britannique The Lancet. Durant neuf ans, 12 546 patients âgés de plus de 55 ans pour les hommes et de plus de 60 ans pour les femmes, répartis dans sept pays, se sont vu administrer quotidiennement soit une faible dose d’aspirine (100 mg), pour 6 270 d’entre eux, soit un placebo, pour les 6 276 restants. Tous présentaient un risque d’événement cardiovasculaire modéré (estimé entre 10 et 20 % à dix ans), mais ils n’étaient pas diabétiques et n’avaient aucun facteur de risque d’hémorragie digestive. Au cours de l’étude, sur une durée moyenne de cinq ans, 269 patients du groupe aspirine (4,29 %) sont décédés à la suite d’un accident vasculaire (infarctus du myocarde, angine de poitrine instable, AVC ou accident ischémique transitoire [AIT]), contre 281 (4,48 %) dans l’autre groupe. En revanche, des hémorragies gastro-intestinales, le plus souvent mineures, sont survenues chez 61 patients du groupe aspirine (0,97 %), contre 29 dans l’autre groupe. En raison de sa faible efficacité et du risque hémorragique qu’elle entraîne, les chercheurs déconseillent donc la prise d’aspirine en prévention primaire, c’est-à-dire chez des personnes à risque jugé modéré et n’ayant jamais été victimes d’un accident vasculaire.
La seconde étude, nommée Ascend (pour « Acute study of clinical effectiveness of nesiritide in decompensated heart failure »), publiée dans le New England Journal of Medicine, s’est penchée sur le cas de 15 480 patients diabétiques – le diabète est une maladie connue pour augmenter sensiblement le risque d’accident cardiovasculaire –, âgés en moyenne de 63 ans et dont 63 % étaient des hommes. Pendant une durée moyenne de 7,4 ans, la moitié d’entre eux (7 740) a pris 100 mg d’aspirine par jour, tandis que l’autre moitié a reçu un placebo. Là encore, les résultats ont montré que, si l’aspirine jouait un léger rôle protecteur, ses bénéfices s’annulaient en raison d’un risque plus élevé de saignement. Le risque d’infarctus, d’AVC, d’AIT ou de décès de cause vasculaire était en effet de 8,5 % chez les personnes prenant de l’aspirine, contre 9,6 % chez celles recevant le placebo. Toutefois, cette légère différence entre les deux groupes était contrebalancée par la survenue plus fréquente d’hémorragies graves (hémorragie intracrânienne, saignement oculaire à risque pour la vue, saignement digestif ou autre) chez les patients sous aspirine.

Supprimer les facteurs de risque

Les propriétés anti-inflammatoires de l’aspirine sont reconnues depuis longtemps. Sa capacité à dissoudre les caillots sanguins n’est pas remise en cause, et elle a toute son utilité en ce qui concerne la prévention secondaire des risques cardiovasculaires. Mais, si ce médicament est efficace pour prévenir les récidives, il semble inutile en l’absence de toute prédisposition ou pathologie cardiovasculaire. La meilleure façon d’éviter l’apparition de maladies cardiovasculaires est surtout d’éliminer les principaux facteurs de risque, à savoir le tabac, une alimentation déséquilibrée et la sédentarité.

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