Tout commence, en France, avec la publication d’un article choc du Nouvel Observateur, le jeudi 20 septembre 2012, intitulé « Oui, les OGM sont des poisons ! ». Le journaliste y explique que, selon une étude menée par Gilles-Eric Seralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen, et publiée dans la très respectable revue américaine Food and Chemical Toxicology, il y a tout lieu de croire en l’existence d’un lien entre la consommation de maïs OGM par des rats et le développement chez ces derniers de tumeurs et autres pathologies très lourdes. L’étude met également en cause l’utilisation de l’herbicide Roundup, développé tout comme le maïs génétiquement modifié par le géant de l’industrie agro-alimentaire Monsanto.
Récupération politique
En somme, une véritable charge contre la culture et l’utilisation des OGM dans les produits destinés à la grande consommation. Une attaque aussitôt reprise au plus haut niveau politique. Le jour de la sortie de la publication de l’étude, en effet, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, y voyait l’occasion de justifier son travail. C’est ce que rappelle un article de Marianne.fr, publié le mercredi 24 septembre. Le ministre déclarait alors : « Cette étude confirme le travail que j’ai fait avec Corinne Lepage au Parlement européen afin d’avoir des critères pour refuser les OGM. Je vais maintenant reprendre nos positions sur le moratoire (à propos du maïs Monsanto 810, NDLR) pour que l’on tienne compte des risques encourus avec ces OGM. »
Une méthodologie douteuse
L’histoire aurait pu en rester là. Seulement voilà, l’étude Seralini n’a pas fait du bruit qu’auprès de la classe politique. La communauté scientifique du monde entier se penche désormais sur cette publication. Très vite, les premières contradictions apparaissent. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) juge « insuffisante » l’expérimentation du chercheur français. Elle est très vite rejointe par ses homologues allemande, danoise et néerlandaise. Même l’autorité sanitaire australienne réfute la thèse. Si toutes notent la durée de l’étude (environ deux ans), c’est essentiellement sur la méthodologie employée que portent les critiques. Le nombre de rats utilisés pour l’expérience n’est pas assez élevé pour être significatif, et la race même n’est pas la bonne : celle dont l’équipe du professeur Seralini s’est servie est connue pour facilement développer des tumeurs et d’autres complications. Par ailleurs, les chercheurs n’ont pas consigné assez précisément tout ce qu’ont mangé les animaux.
La charge française
Face à la déferlante des critiques, le gouvernement français, qui s’était engagé à demander aux autorités européennes de prendre toutes les mesures nécessaires en termes de protection de la santé humaine et animale, se voit contraint de saisir ses propres organismes de contrôle. Gille-Eric Seralini aura beau jeu de dire que ces autorités sanitaires sont trop dépendantes des financements privés, le gouvernement saisit l’Anses et le HCB. Les deux organismes parviennent à la même conclusion. « Les résultats de ce travail de recherche ne permettent pas de remettre en cause les évaluations réglementaires précédentes sur le maïs NK603 et le Roundup », publie l’Anses sur son site Internet. Elle confirme en ce sens les précédents avis, émis quelques jours plus tôt, des six académies scientifiques françaises (médecine, science, pharmacie, vétérinaire, agriculture et technologie).
Au milieu de cette charge de toutes les autorités sanitaires du pays contre le professeur Seralini, l’Anses tient toutefois à souligner son mérite : celui d’avoir mené une étude longue sur les effets secondaires de la consommation d’OGM. L’agence regrette le peu de littérature à ce sujet. « Au-delà, [elle] appelle à la mobilisation de financements publics nationaux ou européens dédiés à la réalisation d’études et de recherches d’envergure visant à consolider les connaissances sur les risques sanitaires insuffisamment documentés. »