En France, selon la Haute Autorité de santé (HAS), près de 2 millions d’adultes pourraient avoir été victimes d’un inceste durant leur enfance, et 15 000 nouveaux cas de violences sexuelles sur mineurs sont recensés chaque année. Un chiffre bien inférieur à la réalité, d’après la HAS : « Un nombre considérable d’incestes ne seraient ni repérés ni signalés aux autorités », précise-t-elle dans un communiqué. En clair, 90% des victimes choisiraient de se taire ou ne seraient tout simplement pas entendues. Or, comme chacun sait, les maltraitances sexuelles intrafamiliales ont des répercussions terribles sur la santé des enfants, sur leur développement psychomoteur et sur leur bien-être psychosocial. Non repérées ou mal prises en charge, elles conduisent la plupart du temps à la dépression, au repli sur soi, à l’isolement, voire, dans les pires des cas, au suicide. Saisie de la question par le ministère de la Santé, la Haute Autorité a décidé de publier un guide de recommandations à destination des professionnels de santé pour les aider à repérer les victimes et les guider dans leurs démarches de signalement à la justice.
Situations évocatrices
Dans le dispositif du système de soins, ce sont bien ces professionnels, et plus particulièrement les médecins, au contact direct des patients, qui sont les mieux à même de reconnaître les signes évocateurs d’une maltraitance sexuelle ainsi que les situations à risque.
S’il n’existe pas de facteur de risque spécifique – l’inceste peut avoir lieu quel que soit le contexte familial et social –, certaines circonstances peuvent, selon la HAS, alerter : il s’agit par exemple d’un mode de fonctionnement familial replié sur lui-même, d’un climat familial équivoque (insuffisance de limites et d’interdits, érotisation des relations parents-enfants, non-respect de l’intimité, fonctions parentales non assumées, etc.), d’antécédents de violence familiale (violence conjugale, maltraitance physique ou psychologique, carence ou négligence) ou encore d’une situation favorisant le passage à l’acte de l’agresseur (conduites addictives comme l’alcoolisme ou la toxicomanie, pathologie mentale).
Signaux d’alerte
Le guide de la HAS énumère également un certain nombre de signaux d’alerte repérables chez l’enfant, qui, bien qu’ils ne soient pas spécifiquement caractéristiques d’une maltraitance sexuelle, peuvent devenir évocateurs s’ils s’associent, se répètent, s’inscrivent dans la durée et ne trouvent pas d’explication rationnelle. La Haute Autorité parle par exemple de troubles du comportement alimentaire, de troubles du sommeil, de difficultés scolaires ou de signes somatiques et fonctionnels non spécifiques (douleurs abdominales isolées, céphalées, etc.). Certains signes cliniques de la sphère génito-anale, comme des saignements, des pertes génitales, des irritations ou des prurits génitaux, doivent aussi conduire le médecin à s’interroger. Enfin, ce guide donne des conseils pour conduire l’examen psychique et physique de l’enfant et propose une fiche de signalement à adresser au procureur de la République, rappelant que le Code de déontologie médicale impose au médecin de protéger le mineur et de signaler les sévices dont il est victime.