Baptisé Umut-Talha, « notre espoir » en turc, le premier « bébé médicament », ou « bébé docteur », est né le 26 janvier dernier à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart. Ce petit garçon, en parfaite santé, devrait permettre de soigner l’un de ses aînés, une fillette atteinte de bêta-thalassémie. Cette maladie génétique grave et invalidante, source d’anémie, nécessite de fréquentes transfusions sanguines, indispensables à la survie. Le sang de cordon prélevé dès la naissance du bébé sera ultérieurement utilisé pour réaliser une greffe de cellules souches sur la grande sœur. Pour aboutir à la naissance d’un enfant « sain », l’équipe du professeur René Frydman, chef du service de gynécologie obstétrique de l’hôpital Antoine-Béclère, a procédé à une fécondation in vitro pour six embryons. Ce sont finalement deux embryons sains, dont un compatible avec l’aînée malade, celui qui a survécu, qui ont été implantés sur la mère. La naissance d’Umut-Talha résulte donc d’un double diagnostic préimplantatoire, une procédure qui a permis, pour cette famille, de s’assurer que l’embryon n’était pas atteint par la maladie génétique dont souffrent les deux premiers enfants et qu’il était compatible avec au moins l’un d’eux. Une pratique controversée, qui n’a lieu qu’en cas d’accord préalable de l’Agence de biomédecine comme le définit la loi de bioéthique de 2004.
Le milieu catholique très réservé
Ce premier bébé du double espoir n’a pas tardé à susciter réserves et indignations, notamment dans le milieu catholique. Mardi 8 février sur LCI, l’archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, a parlé d’« instrumentalisation d’un être humain au service des autres ». De son côté, Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate, a déclaré, toujours sur LCI : « Il y a une instrumentalisation, une sélection des embryons, ça me rappelle un certain nombre de philosophies eugéniques. On a franchi un pas excessivement grave [...]. Il faut que le politique fasse attention, parce que l’homme devient un objet de consommation et un matériau comme n’importe lequel. » Des critiques radicales auxquelles répond le professeur Frydman sur le site Lemonde.fr le 9 février : « Je crois qu’il faudrait sortir des dogmes et regarder la vie. Je ne vois pas dans cette histoire où se situe l’instrumentalisation. Je tiens à rappeler que le couple désirait un enfant, certes sain, mais sans garantie de comptabilité avec leur fille [...]. Nous acceptons simplement le principe selon lequel tout ce qui vient de la nature n’est pas bon. Notre rôle de médecins est d’éviter que le destin génétique s’abatte sans que le couple ait le choix. »
Rappelons que si ce type de naissance est une grande première en France, ce n’est pas le cas dans d’autres pays comme les Etats-Unis, où l’expérimentation a débuté il y a une dizaine d’années déjà. Deux « bébés-médicaments » sont nés en Belgique en 2005 et un en Espagne en 2008. Baptisé Javier, ce dernier a permis de sauver son frère aîné, également atteint de bêta-thalassémie.