Un grand pas a été franchi hier, au Sénat. Les Sages ont voté à l’unanimité pour la proposition de loi du député socialiste Gérard Bapt visant à interdire le bisphénol A (BPA) dans tous les contenants alimentaires à compter du 1er juillet 2015. Ils sont même allés plus loin en proscrivant l’ensemble des cancérogènes et des perturbateurs endocriniens dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons, aux jeunes enfants et aux femmes enceintes. Avec ce vote, la France confirme son rôle de pionnier sur le contrôle des perturbateurs endocriniens. Il s’agit du « premier pays au monde à adopter une mesure aussi générale », a indiqué la rapporteure Patricia Schillinger (PS). En juin 2010, le Parlement avait déjà suspendu la fabrication et la commercialisation des biberons contenant du BPA – une mesure reprise au niveau européen l’année suivante. Plus récemment, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a demandé un classement européen plus sévère du bisphénol A en tant que « toxique pour la reproduction », alors que l’Union européenne ne le considère, actuellement, que comme « toxique suspecté pour la reproduction ».
Un produit de synthèse présent partout
Le BPA est un produit de synthèse utilisé dans la fabrication des plastiques en polycarbonate et des résines époxy. On le retrouve dans de très nombreux produits de la vie courante (tickets de caisse, petit électroménager, lunettes) et notamment dans les contenants alimentaires, comme la vaisselle en plastique, les bombonnes d’eau, ou dans le revêtement intérieur des boîtes de conserve, des canettes et des couvercles de bocaux. De très nombreuses études ont prouvé sa nocivité, que ce soit sur l’animal ou sur l’homme. Perturbateur endocrinien avéré, il agit à très faible dose sur le système hormonal – notamment en migrant dans l’alimentation. « Les chercheurs associent l’exposition au BPA aux cancers du sein et de la prostate, aux troubles métaboliques (diabète, obésité), au risque cardiovasculaire, à des atteintes de la reproduction et à des problèmes neurocomportementaux », explique le Réseau environnement santé (RES) sur son site Internet. La période d’exposition la plus sensible concerne la petite enfance et la vie in-utero : le fœtus contaminé conserve l’impact acquis à ce moment-là et les conséquences sanitaires se manifesteront des années plus tard.
Deux ans pour s’adapter
Les industriels ont donc presque deux ans pour trouver et tester des alternatives au BPA. Un délai élargi par les sénateurs – le projet de loi prévoyait une interdiction dès janvier 2014 – et jugé bien trop long par le RES : « Reculer l’échéance initiale d’un an et demi est stupide du point de vue de la santé publique, d’autant qu’il existe suffisamment de retours d’expériences indiquant que l’industrie agroalimentaire est capable de relever rapidement le défi de la substitution, à l’image de Nestlé ou de Heinz ou de plusieurs PME du secteur bio aux Etats-Unis », regrette Yannick Vicaire, chargé de mission au RES. Certaines pistes sont actuellement explorées, notamment par l’Inserm. De son côté, l’Anses a réalisé, en juin dernier, un état des lieux des alternatives possibles au bisphénol A identifiant 73 substances probables. Elles seront présentées par l’agence dans un rapport d’expertise collective prévu pour fin 2012.