Avec 6,9 millions d’obèses en France, dont 500 000 cas d’obésité morbide, la chirurgie de l’obésité, ou chirurgie bariatrique, a de beaux jours devant elle. Entre 2006 et 2011, le nombre de patients opérés a doublé, passant de moins de 15 000 à plus de 30 000. Face à ce constat, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a voulu en savoir plus : dans le cadre du plan national de lutte contre l’obésité, elle vient de publier une étude approfondie qui analyse à la fois les patients concernés, les pratiques actuelles et l’offre de soins. Si cette chirurgie peut conduire à des résultats rapides en termes de perte de poids et d’améliorations de la morbidité, elle peut parfois « nécessiter un suivi à vie pour les patients et entraîner des effets secondaires et des complications graves », précise l’Assurance maladie. Celle-ci rappelle également que ce type d’intervention ne doit être envisagé qu’en seconde intention, après l’échec d’un traitement médical, nutritionnel, diététique et psychothérapique d’au moins six mois, et uniquement pour les patients dont l’indice de masse corporelle est supérieur ou égal 40 kg/m2. Les personnes dont l’IMC atteint 35 kg/m2 peuvent également y prétendre, à condition de présenter au moins une comorbidité associée, comme de l’hypertension artérielle, des troubles respiratoires sévères ou un diabète de type 2.
Les femmes plus concernées
L’étude nous apprend que la chirurgie bariatrique est très majoritairement réalisée auprès d’une population féminine : « Sur les 30 442 patients opérés en 2011, plus de 25 000 (83 %) sont des femmes, âgées en moyenne de 39 ans », constatent les auteurs. De leur côté, les hommes représentent un effectif de 5 000 patients, avec un âge moyen de 41 ans. Par ailleurs, seuls 69 % des femmes et 77 % des hommes opérés présentaient une obésité morbide. Plus inquiétant encore : toujours en 2011, 700 patients de moins de 20 ans ont été opérés, dont 114 avaient moins de 18 ans. Rappelons que, selon la Haute Autorité de santé (HAS), la chirurgie de l’obésité n’est pas recommandée chez l’enfant et l’adolescent. Parmi ces jeunes opérés, les filles sont très majoritaires.
L’Assurance maladie note également un glissement des techniques chirurgicales. Ainsi la pose d’un anneau gastrique ajustable, un dispositif réversible, est-elle progressivement abandonnée au profit d’interventions plus lourdes, plus coûteuses et, elles, irréversibles : le by-pass (modification du circuit alimentaire) et, surtout, la sleeve gastrectomie (ablation d’une grande partie de l’estomac), peu pratiquées il y a quelques années et qui totalisent aujourd’hui 75 % des interventions. Or, selon de récentes publications, si ces techniques permettent d’améliorer certaines comorbidités comme le diabète, elles ont le désavantage de générer plus d’effets secondaires tels que les malabsorptions. Les patients doivent suivre un traitement de suppléments vitaminiques à vie pour éviter les carences.
Des disparités régionales significatives
Autre constat relevé par l’étude : le taux d’intervention de chirurgie bariatrique est plus élevé dans certaines régions comme la Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Languedoc-Roussillon, la Bourgogne ou la Champagne Ardenne, alors que ce n’est pas là que l’on trouve les taux les plus importants d’obésité. Il apparaît aussi que les techniques chirurgicales employées varient d’une région à l’autre : la région Rhône-Alpes pratique davantage la pose d’anneau gastrique (58 %), la Bretagne lui préférant le by-pass (67 %), et la Franche-Comté, la sleeve gastrectomie (86 %). Pour l’Assurance maladie, les disparités régionales en termes de taux d’intervention et de techniques utilisées posent clairement la question « de la pertinence des indications chirurgicales, au regard de la situation clinique des patients ». Face à ces conclusions et dans le but de mieux encadrer le développement de ces pratiques, l’Assurance maladie propose plusieurs pistes, parmi lesquelles la promotion auprès des médecins de la prise en charge médicale de l’obésité (dépistage, prévention et traitement par des mesures hygiéno-diététiques), l’actualisation des référentiels de bonnes pratiques et le développement de la labellisation auprès des centres opérant de jeunes patients.