En France, malgré un système de protection sociale à vocation universelle, le taux de renoncement aux soins des adultes pour raisons financières augmente régulièrement et de façon inquiétante : d’environ 10 % en 2002, il est passé à 15,4 % en 2008. C’est ce que révèle une étude publiée récemment par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes). Parmi les soins les plus fréquemment abandonnés, on retrouve les soins dentaires (10 % de la population), la lunetterie (4,1 %) et les consultations de médecins généralistes et spécialistes (3,4 %). L’étude nous apprend également que les femmes renoncent plus fréquemment à se faire soigner que les hommes, que le taux de renoncement augmente de façon continue de 18 à 40 ans et qu’il se stabilise entre 40 et 50 avant de diminuer progressivement. Parmi les raisons expliquant ce renoncement, la faiblesse du pouvoir d’achat, l’origine sociale et l’absence de mutuelle constituent évidemment des facteurs importants. Ainsi, « les personnes sans complémentaire renoncent deux fois plus que les autres aux soins les moins bien couverts par le régime obligatoire », précise l’étude. Les dépassements d’honoraires de certains médecins sont également déterminants : c’est par exemple dans les départements où les tarifs dentaires sont les plus élevés que les taux de renoncement sont les plus importants.
Facteurs socio-économiques
Mais ce n’est pas tout. Les auteurs de l’étude expliquent que le phénomène est aussi lié « à l’histoire de vie, en particulier la situation sociale passée, présente, ainsi que les perspectives d’avenir » de la personne. Dans la vie d’un individu, plus les expériences de difficultés (problèmes financiers, périodes d’inactivité, temps partiel subi, impossibilité de partir en vacances, peur de perdre son emploi, isolement, absence de logement fixe) ont été récurrentes et proches, plus le renoncement aux soins sera important. Ce cumul de situations de précarité, qui conduit à une vulnérabilité de long terme et à une sorte de décrochage social, explique aussi que le plus fort taux de renoncement se retrouve chez les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) : 22 % en 2008. L’étude souligne cependant que, si la CMU n’existait pas, ce taux atteindrait aisément les 40 % chez la population aujourd’hui concernée par le dispositif.