Les antibiotiques, c’est toujours automatique : telle est la conclusion d’une enquête effectuée récemment par l’association de consommateurs UFC-Que choisir auprès de cinquante médecins généralistes. Entre la mi-octobre et la mi-novembre, l’association a envoyé un faux patient se plaignant d’un mal de gorge et suspectant une angine au cabinet de ces médecins choisis au hasard. Résultat : 52 % des visites ont donné lieu à une prescription d’antibiotiques. Une aberration quand on sait que la majorité des angines est d’origine virale et que, dans ce cas-là, les antibiotiques ne servent à rien (ils ne sont efficaces que dans le cas d’angines streptococciques, c’est-à-dire d’origine bactérienne). Et l’on sait désormais que l’usage excessif et inapproprié d’antibiotiques entraîne la résistance de bactéries autrefois faciles à soigner. Pour limiter les prescriptions abusives, l’assurance maladie propose d’ailleurs aux médecins de se procurer gratuitement un test de diagnostic gratuit (TDR) qui permet de déterminer l’origine bactérienne ou virale de l’angine et d’adapter le traitement en conséquence. Un test recommandé par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), mais encore insuffisamment utilisé par les médecins.
Les patients dédouanés
Selon l’UFC-Que choisir, l’enquête démontre aussi que l’influence des patients sur les prescriptions reste faible : « Seul un médecin de l’échantillon a retiré les antibiotiques de l’ordonnance après que notre enquêteur a émis un doute sur leur utilité », constate l’association dans un communiqué. Et ce n’est pas tout : l’étude révèle qu’en moyenne chaque ordonnance prescrite au faux malade comprenait 2,4 médicaments en plus des antibiotiques. « Certains médecins ont même prescrit des corticoïdes, pourtant non recommandés pour un mal de gorge », ajoute l’UFC. Voilà qui peut expliquer le triste record français en matière de consommation de médicaments par habitant : celle-ci est en effet supérieure de 40 % à celle de nos voisins européens. En France, neuf consultations sur dix se concluent par une prescription de médicaments, soit deux fois plus qu’aux Pays-Bas par exemple. « Ces prescriptions irrationnelles sont en outre inacceptables compte tenu de la charge financière qu’ils font supporter à la collectivité dans un contexte où les déficits de l’assurance maladie menacent la pérennité du système et l’égal accès aux soins », ajoute l’association.
Au moment où le ministère de la Santé s’apprête à mettre en place un troisième plan de lutte pour le bon usage des antibiotiques, l’UFC-Que Choisir demande la mise en œuvre de mesures concrètes garantissant une information objective des médecins sur l’usage des médicaments et les bonnes pratiques thérapeutiques. Elle propose notamment la création d’un corps de 1 700 visiteurs médicaux publics et indépendants, placés sous l’égide de la Haute Autorité de santé (HAS) et dont le rôle serait de contrebalancer la pression exercée sur les médecins par l’industrie pharmaceutique.