C’est l’histoire d’un gaspillage d’argent public par la faute d’une « défaillance de stratégie et de pilotage de la part de l’Etat » que vient d’épingler la Cour des comptes, dans son rapport « Le coût du dossier médical personnel (DMP) », rendu public par le journal Le Monde du 27 août 2012.
Imaginé et conçu en 2004 par Philippe Douste-Blazy, alors fraîchement nommé ministre de la Santé, ce dossier avait pour objectif de créer un « carnet de santé numérique censé regrouper les données des patients (prescriptions, résultats d’analyses, compte rendu d’hospitalisations…) ». Puis, suite à la valse des ministres et des personnes chargées de sa conception et à la répétition des expérimentations, il n’a vu le jour au niveau national qu’en janvier 2011, pour finalement faire un flop.
Près d’un demi-milliard d’euros
Un an et demi plus tard, le dispositif ne contient, en effet, qu’environ 158 000 dossiers, tandis que l’objectif était d’en avoir 500 000 avant fin 2011. Il aura pourtant coûté cher : au moins 210 millions d’euros. Si l’on ajoute à cela le montant des dossiers informatisés des patients dans les hôpitaux, la facture s’élève à près d’un demi-milliard d’euros au début de l’année 2012.
La Cour des comptes, dont le rapport a été commandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale, pointe du doigt « la multiplication d’expérimentations sans lendemain jusqu’en 2008 » et surtout « l’absence de suivi de ces dépenses par l’Assurance maladie ».
Un dossier inadapté
Il faut dire que « le DMP ne correspond pas à l’intérêt des patients et aux besoins des professionnels », a expliqué Gérard Bapt, député socialiste de Haute-Garonne et spécialiste des questions de santé. Dans l’ensemble, les praticiens ont été jusqu’ici réticents à ouvrir des DMP, car, selon eux, le rapport entre le temps pris à le remplir et l’efficacité n’est pas positif. Les patients ont, par exemple, le droit de ne pas faire figurer certaines données sur un dossier qui serait informatisé – comme le prévoit la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ; dès lors, le médecin ne peut pas utiliser le DMP.
Le rapport de la Cour des comptes révèle d’autres faiblesses du système. Ainsi, plusieurs hôpitaux ont ouvert leurs dossiers informatisés pour les patients, mais ne réussissent pas à se les communiquer entre eux. Il existe également un risque quant à la sécurité des données de santé : celles-ci pourraient être piratées avant d’être revendues à des assurances ou à des banques, qui s’en serviraient alors, par exemple, pour refuser un prêt.