Le mot « stress », à l’origine, n’a rien de négatif. Par définition, le stress est simplement une réaction d’adaptation de l’organisme au monde extérieur et à ses dangers. Comme un réflexe souvent salvateur, il nous permet de réagir vite et bien, en freinant instantanément face à un chauffard, en trouvant la réponse à une question importante ou l’attitude à adopter dans une situation inédite… Tout est cependant une question de dosage, car si le stress n’est pas forcément néfaste, son excès est perturbant et peut même devenir dévastateur. Quand nous commençons à le ressentir, c’est généralement parce qu’il est trop important ou qu’il dure depuis trop longtemps. Ses effets basculent alors du côté négatif et nous en subissons de plein fouet les perturbations sur tous les plans : physique, émotionnel, psychique…
Résultat, le stress, ou plutôt son excès, est devenu l’ennemi n° 1 de nos sociétés modernes : quasiment inconnu du grand public il y a quelques décennies, il est devenu un problème de santé publique qui provoque des ravages : chaque année, 7 millions d’arrêts de travail lui sont imputables et il coûte plus de 1,5 milliard d’euros.
Des effets néfastes connus
Le stress peut mettre tout l’organisme à rude épreuve. Si à dose raisonnable il améliore nos capacités (notamment par le biais d’hormones qui accélèrent les systèmes cardiovasculaire et musculaire), en excès il entraîne une forte accélération du rythme cardiaque, ainsi que des tensions et des douleurs, notamment dorsales, car les muscles sont contractés en permanence. L’abdomen, lui, se crispe, déclenchant des troubles digestifs et des maux de ventre. La respiration se raccourcit et devient superficielle, oxygénant insuffisamment l’organisme. Il est également prouvé que certaines pathologies vasculaires, infectieuses ou allergiques (comme l’asthme) peuvent être favorisées par un stress chronique. Sur le plan intellectuel et psychique, ce n’est pas mieux : anxiété, difficultés d’endormissement, pensées négatives, doutes, émotions en dents de scie, irritabilité, difficultés de concentration et de mémorisation, crises de larmes… Le résultat n’est guère brillant, et nombreux sont ceux que le stress perturbe très lourdement dans leur vie quotidienne.
Impossible de l’éviter
Malheureusement, vivre sans excès de stress est difficile, voire impossible pour la plupart d’entre nous, car tout ou presque nous stresse. Les grands événements de la vie sont connus pour causer des stress majeurs, qu’ils soient négatifs (deuil, divorce, chômage…) ou positifs (mariage, naissance, promotion professionnelle, déménagement…), en nous demandant de nous adapter à une situation nouvelle. La vie citadine (bruit, pollution, insécurité…) et les soucis quotidiens (factures, disputes, difficultés relationnelles, pannes diverses…) s’y ajoutent de façon insidieuse. Quant au milieu professionnel, il est pour les salariés le « stresseur » n° 1. Ainsi, 44 % des salariés se disent stressés et 56 % pensent que cela ne fera qu’empirer. Surcharge de travail, mauvaise ambiance, esprit de compétition, manipulation, objectifs sans cesse revus à la hausse, angoisse du chômage, précarisation… : la dégradation de la situation économique n’épargne personne et use peu à peu le moral des actifs, menant certains à des situations extrêmes de souffrance (addictions, dépression, « burn-out »…). Le mal-être physique et psychique des travailleurs est bien réel et pose problème, y compris aux entreprises (lire également l’encadré « L’organisation du travail… »).
Bouger pour évacuer
Si l’on ne peut certes pas changer de vie, partir à l’autre bout de la planète pour supprimer les facteurs de stress, on peut tout de même agir. Au quotidien, quelques nouveaux réflexes, quelques bonnes habitudes de vie aident à mieux résister. Ces petits riens, mis bout à bout, peuvent nous apprendre à mieux gérer notre stress, quel qu’il soit.
L’activité physique, même modérée (nul besoin de s’épuiser sur un court de tennis) est un des meilleurs moyens de lutte contre les effets négatifs du stress et doit donc impérativement être inscrite dans l’emploi du temps des stressés. Sur le plan physique, faire du sport évacue les tensions nerveuses et fatigue les muscles, qui ensuite se relâchent. Sur le plan cérébral, la fatigue physique vient étonnamment « laver » la fatigue mentale et intellectuelle et aide ainsi à faire le vide dans un esprit encombré. L’organisme est plus résistant et le psychisme renforcé – d’ailleurs, ne parle-t-on pas du mental des champions ? En outre, les endorphines, des substances sécrétées par le cerveau pendant l’effort, ont un effet relaxant et euphorisant longue durée (quarante-huit heures environ). L’idéal ? Ne pas se mettre la pression ni chercher la performance (ce serait un stress supplémentaire), mais choisir une activité synonyme d’évasion, si possible en plein air : vélo, marche ou randonnée, natation, course à petite vitesse. Un impératif : se faire plaisir, même s’il faut toujours se forcer un peu au début.
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Faire de son sommeil une force
Le sommeil souffre tout particulièrement du stress de la journée et, quand il se dérègle (avec notamment des troubles de l’endormissement liés aux soucis et aux ruminations), cela fragilise l’organisme. Le sommeil a en effet une action réparatrice tant sur le plan physique que sur le plan mental : après plusieurs mauvaises nuits, les nerfs sont à vif et les réactions plus violentes et destructrices. Il est donc indispensable de prendre soin de ses nuits. Horaires réguliers, dîners copieux mais légers (une digestion difficile gêne l’endormissement), « sas de décompression » pour se préparer à dormir (lecture, bain, tisane...) : autant de comportements bénéfiques auxquels il est préférable de se plier avant de penser à prendre des cachets.
La relaxation pour lâcher prise
Les techniques de relaxation, qui associent le mental au corporel pour mener au lâcher-prise, sont un atout majeur contre le stress. « Alors que la surconsommation de psychotropes pour lutter contre l’anxiété et le stress devient un problème grandissant, nous n’utilisons pas assez ces méthodes simples, éprouvées, qui ne présentent ni contre-indication ni effet secondaire pervers », explique le docteur Servant, médecin psychiatre et psychothérapeute, responsable de l’unité spécialisée « Stress, anxiété » au CHRU de Lille. Pourtant, elles s’intègrent facilement à la vie quotidienne et se révèlent suffisantes dans la plupart des cas, car si leurs effets sont immédiats (la pression redescend aussitôt), elles permettent aussi à plus long terme d’abaisser le niveau d’« hyper-réactivité » face à une situation de crise et d’apprendre à bien réagir pour couper court à la montée du stress. Ces disciplines sont nombreuses, mais pas besoin de toutes les connaître ou de rechercher la perfection, quelques gestes simples suffisent au quotidien : respiration, détente musculaire, visualisation positive… Ça s’acquiert vite et c’est efficace.
La méditation, un outil de paix intérieure
Si on a longtemps considéré la méditation comme une technique un peu douteuse et totalement « new age », elle revient aujourd’hui en force et intègre même pleinement le monde de la psychothérapie. Ses bienfaits sont démontrés, notamment sur la dépression (elle réduirait les rechutes), et elle peut apporter une aide efficace aux stressés comme aux anxieux. « La méditation modifie le regard que le patient pose sur le monde, explique le docteur Christophe André, psychiatre. Elle lui permet de mieux réagir aux événements qui pourraient le faire déraper, en l’aidant à les mettre à distance et à mieux gérer son stress, ses inquiétudes, ses humeurs, etc. Pratiquée régulièrement, elle aide à consolider ses équilibres, notamment sur le plan émotionnel, à moins ruminer, à mieux profiter de l’instant présent, à éviter les pensées négatives, à relativiser les difficultés… Alors que la société nous sollicite en permanence sans nous laisser de répit, la méditation constitue également un “sas” pour reprendre contact avec soi et retrouver la conscience de son corps et de ses émotions, ce qui favorise un bien-être global. » De vrais bieπnfaits, à raison de dix à quinze minutes par jour.
Modifier ses rapports au stress
Au lieu de subir le stress et de s’en plaindre, pourquoi ne pas l’envisager comme un signal d’alarme à ne pas négliger ? Selon le docteur Jacques Fradin, directeur de l’Institut de médecine -environnementale (IME) et directeur scientifique de l’Institute of Neuro-Management (INM, Paris et Bruxelles), « le stress est un “indicateur intelligent” de confrontation aux “sujets qui fâchent” : il nous avertit que la situation est difficile et qu’il faut la gérer de façon prudente et réfléchie, en prenant du recul. Il doit nous inciter à chercher en quoi notre attitude est inadaptée ». Comprendre le motif du stress, apprendre à accepter la situation et à la relativiser, voir les choses d’un autre œil en reconnaissant notamment qu’il y a du positif et du négatif en tout, s’exprimer : autant d’attitudes « actives » face au stress, qui aident à le dépasser. En effet, explique le docteur Fradin, « si l’on se sent stressé parce que l’on s’oblige à faire des choses quasi impossibles ou que l’on n’est pas sur la bonne voie, aborder le problème en changeant d’angle procure de la sérénité, de l’apaisement, et permet ensuite d’adapter sa réaction, de la mettre “en phase” avec son mental ». Les conflits internes sont alors moins importants, et le stress diminue.
Faut-il consulter ?
Voir un psy pour apprendre à gérer son stress peut être une bonne solution quand la situation devient difficile à vivre et retentit péniblement sur le quotidien. Cela permet de faire un état des lieux, de pointer les erreurs (manque d’activité physique, consommation d’excitants…) et de trouver des stratégies de lutte « sur mesure », qui prendront en compte le niveau de stress, les problèmes concrets, mais aussi la personnalité.