In utero, le bébé a déjà son propre rythme de sommeil, différent de celui de sa mère. A la naissance, il dort encore beaucoup (environ seize heures par jour les premières semaines), mais l’alternance jour-nuit lui est parfaitement étrangère : elle s’installe progressivement, autour de 3 mois. Au fil du temps, le nombre d’heures passées à dormir diminue graduellement, pour atteindre environ onze heures par jour vers 2 ans, puis dix heures vers 4 ans… Chaque enfant est bien sûr différent, même au sein d’une fratrie : l’un aura besoin de beaucoup de sommeil et l’autre moins, l’aîné sera un « oiseau de nuit » et le cadet un couche-tôt. Cela dit, un sommeil de bonne qualité est nécessaire dès le plus jeune âge, car il permet la récupération physique et nerveuse et, chez le tout-petit, il est en outre impliqué dans la maturation cérébrale et la mise en place des fonctions mentales. Veiller à ce qu’il soit suffisant et de bonne qualité est donc impératif.
Favoriser le sommeil dès la petite enfance
Hélas, les problèmes ne sont pas rares et parfois même s’accumulent, et quand les enfants ne dorment pas, les parents sont en crise ! Aussi est-il recommandé de mettre très tôt en place un vrai rituel, une sorte de conditionnement au sommeil permettant une mise au calme qui va favoriser l’endormissement et rassurer l’enfant. Toilette, chanson, histoire, couchage des doudous, musique douce, câlins, bisous : à chaque famille de créer le sien, de le respecter et de ne pas déroger aux horaires, y compris aux âges de l’opposition (entre 2 et 4 ans) – le sommeil ne doit pas, en effet, devenir une source de conflits familiaux répétés.
Certains troubles fréquents doivent aussi être pris en compte. Ainsi, en cas de peur du noir, qui n’a rien d’une comédie, on peut laisser une veilleuse réconfortante et apprendre progressivement à l’enfant à apprivoiser l’obscurité. Sont également courants, dès le jeune âge, les cauchemars et les terreurs nocturnes. Les premiers apparaissent plutôt en fin de nuit, en période de rêve, et expriment les angoisses, les tensions, les conflits et les pulsions de l’enfant. Répétés, ils peuvent traduire des difficultés liées à un changement de situation (passage dans la classe supérieure, déménagement, arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur…). Il est important d’en parler, pour dédramatiser le problème, et de créer un environnement rassurant, en évitant par exemple les images violentes à la télévision et les histoires « qui font peur » avant le coucher. Quant aux terreurs nocturnes, courantes entre 3 et 6 ans, elles se produisent en début de nuit et, si elles sont impressionnantes (hurlements, pleurs…), l’enfant ne se réveille pas (même s’il a les yeux ouverts). Elles relèvent d’un épisode hallucinatoire et sont généralement transitoires.
Dans tous les cas, si les problèmes de sommeil se multiplient, mieux vaut en parler au pédiatre, qui donnera des conseils d’hygiène de vie et conseillera éventuellement des plantes calmantes favorisant le sommeil. Inutile de laisser s’installer les difficultés, qui risquent d’engendrer de la fatigue et de perturber l’attention, l’humeur, l’ambiance familiale et la scolarité.
L’ado, cet « oiseau de nuit »
Il s’endort « à pas d’heure » et n’arrive pas à émerger le matin : c’est bien simple, vous ne reconnaissez plus votre ado. Et c’est normal ! Entre 11 et 15 ans, les jeunes perdent en moyenne vingt à trente minutes de sommeil par an (pour dormir environ une heure et demie de moins à 15 ans qu’à 11). Cela s’explique par leurs nouvelles activités (télévision dans la chambre, ordinateur, téléphone portable), qui les font se mettre au lit de plus en plus tard (ce sont généralement eux les derniers couchés de la maisonnée), mais aussi par un décalage spontané de leurs rythmes biologiques : on parle de retard de phase, lié notamment aux bouleversements hormonaux de la puberté. Certes, les ados ont besoin de moins de sommeil que les plus jeunes, mais, contrairement à ce qu’ils croient, leurs besoins sont toujours supérieurs à ceux des adultes. Résultat : selon une étude menée en France en 2011, ils sont fréquemment en dette de sommeil et dorment, à 15 ans, presque deux heures de plus le week-end qu’en semaine. A leur âge, il est nécessaire de dormir de huit à neuf heures par nuit et le seuil de privation sévère se situe à sept heures. Or, un tiers d’entre eux présentent une somnolence pathologique, avec des répercussions sur l’humeur et sur les performances scolaires. A surveiller…
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Chez l’adulte, insomnies et somnolence
Et du côté des adultes, comment ça se passe ? Sans forcément consulter ni même en parler à leur médecin, nombreux sont ceux qui déclarent mal dormir et se pensent plus ou moins insomniaques. Sur le plan médical, l’insomnie se définit d’après des critères précis : un endormissement difficile (plus d’une demi-heure), des réveils nocturnes (au minimum deux fois dans la nuit, avec des difficultés de ré-endormissement) ou un réveil précoce (au moins une heure avant celle prévue). Ces phénomènes doivent se répéter trois fois par semaine depuis plus d’un mois, avec des retentissements négatifs sur l’activité de jour. Un Français sur cinq (soit 19 % de la population) serait concerné et quasiment un sur dix (soit 9 %) présenterait même une insomnie dite sévère, associant deux critères. Plus largement, de nombreux spécialistes estiment que l’insomnie est avant tout une plainte de mauvais sommeil, donc une sensation subjective, avec des répercussions pénibles dans la journée : pas forcément un épuisement, mais de la nervosité, de la fatigue, des baisses de vigilance ou de concentration, des troubles de l’humeur, des pertes de motivation… Face à ces soucis fréquents, pourtant, environ sept Français sur dix n’abordent pas le sujet avec leur médecin.
Fréquemment aussi, nous nous plaignons d’un sommeil insuffisant : normal, puisqu’il est établi que nous dormons bien moins qu’avant, loisirs et temps passé devant l’écran obligent. D’ailleurs, un Français sur cinq somnole plus de trois fois par semaine (lire également l’encadré « Tous en manque ? »).
Quand consulter et pourquoi ?
Mal dormir et en subir les répercussions dans la journée doit mener à consulter le médecin, afin de déterminer les causes du trouble par des examens cliniques, des questionnaires détaillés et, si besoin, des enregistrements du sommeil (dans un laboratoire spécialisé), afin de trouver des solutions adaptées : on ne traitera pas de la même façon un jeune anxieux stressé, une personne âgée (lire également l’encadré « Du côté des seniors ») ou une mère de famille un peu déprimée.
Le recours aux médicaments est loin d’être systématique : s’ils peuvent constituer une aide efficace, ils n’ont rien d’anodin et ne seront prescrits qu’en « coup de pouce », pour remettre l’insomniaque « sur les rails ». Hors de question de les prendre au long cours, d’autant que la plupart d’entre eux (les hypnotiques non benzodiazépines, notamment) posent des problèmes de tolérance et nécessitent, s’ils sont pris en continu, d’augmenter les doses.
Retrouver le sommeil est (souvent) simple
« Mais bon nombre de difficultés et de mauvaises nuits sont simplement liées à des erreurs d’hygiène de vie », explique le docteur Danielle Teszner, médecin au laboratoire du sommeil du CHU Henri-Mondor à Créteil. Dans son ouvrage Savoir dormir (lire l’encadré « Pour en savoir plus »), elle dresse ainsi la liste des mauvaises habitudes qui peuvent perturber notre sommeil et nous mener pas à pas vers l’insomnie : prendre des boissons stimulantes pour tenir en fin de journée (café, thé, boissons énergisantes), faire du sport ou prendre un bain chaud tard le soir (ce qui augmente la température corporelle et contrarie l’endormissement programmé par l’organisme), se coucher avant d’avoir sommeil, simplement parce que « c’est l’heure », ou au contraire trop tard, prendre l’habitude de traîner au lit… L’influence des écrans (la télévision, mais aussi l’ordinateur) est aussi fortement perturbante, surtout juste avant de dormir (les spécialistes parlent d’« électronisation » de la chambre à coucher). Alors, que faut-il faire pour espérer mieux dormir ?
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Les dix conseils à suivre
• Dîner légèrement : manger trop lourd, trop gras ou trop copieux gêne la digestion et trouble donc le sommeil, notamment l’endormissement. L’idéal est de dîner léger (sucres dits lents, légumes, produits laitiers, fruits), au moins deux heures avant de se coucher. Mieux vaut éviter les épices, la viande rouge et, bien sûr, l’alcool, qui est un vrai faux-ami du sommeil, en favorisant les réveils pendant la nuit.
• Adopter des horaires réguliers : les trop grandes variations d’horaires bouleversent les rythmes naturels de l’organisme. On peut, le week-end, s’accorder un peu plus de sommeil, mais abuser de la grasse matinée et émerger à midi quand on se lève tôt toute la semaine, sous prétexte que l’on s’est couché tard, risque fort de perturber le sommeil.
• Soigner le décor : une chambre dépouillée, fraîche et aérée favorisera plus le sommeil qu’un lieu encombré. Il est également recommandé de se protéger du bruit, véritable perturbateur qui crée des micro-réveils, lesquels, s’ils passent souvent inaperçus, rendent pourtant les nuits moins récupératrices.
• Mettre un pyjama : cela peut prêter à sourire et pourtant… Quand on a du mal à s’endormir, mieux vaut porter une vraie tenue de nuit plutôt que de dormir dans son tee-shirt de la journée. Se changer fait partie d’un rituel de préparation au sommeil et permet une coupure avec les activités diurnes.
• Supprimer l’écran dans la chambre : le lit est fait pour dormir, et surtout pas pour travailler ou surfer. Si 57 % des Français ont un écran dans leur chambre, le premier conseil que leur donnent des spécialistes est de le retirer immédiatement : la lumière et la « réactivité » exigées par les chats ou les jeux perturbent les biorythmes. Idéalement, il faudrait même éteindre les écrans après 19 heures en cas de problèmes d’endormissement.
• Réduire la sieste : dormir une ou deux heures l’après-midi en voulant compenser une mauvaise nuit est une mauvaise idée, car cela empiète sur la suivante, qui sera d’autant plus difficile. Si la sieste est recommandée, car elle peut réduire la fatigue et améliorer la vigilance, elle doit être de courte durée : une vingtaine de minutes au maximum, pour ne pas plonger dans un sommeil profond.
• Se relaxer le soir : lecture, musique douce, détente, tisane de plantes… pour bien dormir, il faut favoriser la sérénité. Les films violents ou angoissants, la paperasserie administrative, les disputes et autres « prises de tête » sont évidemment déconseillés.
• Connaître ses vrais besoins : pendant une période de congés, couchez-vous plusieurs jours d’affilée à l’heure où le sommeil vous gagne et réveillez-vous spontanément, en notant quotidiennement vos horaires. Vous pourrez ainsi calculer le nombre d’heures dont vous avez réellement besoin et découvrirez peut-être que vous vous acharnez à vouloir dormir huit heures alors que sept heures quotidiennes vous suffisent amplement.
• Reconnaître le « bon » moment : certains signes sonnent clairement l’heure de filer au lit, alors écoutez-les. Bâillements intempestifs (réflexe involontaire qui inonde l’organisme d’oxygène), yeux qui piquent (la sécrétion des larmes se tarit quand on somnole, ce qui explique que les yeux s’assèchent et que l’on éprouve le besoin de les frotter), que vous faut-il de plus vous glisser sous la couette ?
• Ne pas traîner au lit quand on ne dort pas : tourner, virer et insister alors que le sommeil ne vient pas est un mauvais réflexe. Les spécialistes notent d’ailleurs que, paradoxalement, les insomniaques sont ceux qui passent le plus de temps au lit !